Arnaud S. Maniak

Quand on a rencontré Arnaud chez nos potes de Vlaar, on s’est rendu compte que ses illustrations ne nous étaient pas inconnues ! Très productif, le dessinateur vosgien est responsable d’une peletée de pochettes d’albums punk DIY de l’est de la France ! Comme ses oeuvres sont aussi belles que dérangeantes, on a forcément adoré ! | Propos recueillis par Polka B.

Au niveau de l’esthétique, tu as toujours été attiré par l’étrange et le fantastique. Quelles étaient tes références quand tu étais enfant ?

AS.M : À l’école primaire déjà, je ne dessinais que des squelettes ! Ça me faisait délirer. Tout ce qui est macabre, mystérieux et sombre me fait vibrer. Quand j’étais ado je passais mes journées à regarder des films d’horreur. Dès que les parents étaient partis, on se mettait les pires films !

Tu es aussi un grand amateur de musiques extrêmes. Comment as tu fais le lien avec ta pratique du dessin ?

Il y avait les pochettes déjà. J’ai découvert le metal étant plus jeune, et j’y ai vu une sorte de cohérence. Les zombies de Iron Maiden me fascinaient. Les pochettes de Megadeth aussi. Après j’ai découvert Slayer. Dans le death metal je retrouvais vraiment l’esthétique gore de mes films préférés. 

Tu viens de l’est de la France où les scènes crust et grindcore sont très actives. Tu as d’ailleurs réalisé pas mal de pochettes d’album. Peux-tu citer quelques groupes et associations pour ceux qui ne connaissent pas ?

Dans les Vosges il y a l’asso Crustatombe avec le groupe Doomsisters. Il y a aussi Lupus Ad Mortem. Sur Nancy, Blockheads a pas mal fait bouger la scène à l’époque. Sur Besançon il y a toute la clique Whoresnation, Xaros, et les anciens groupes Black Code, Human Compost… dont certains membres jouent aujourd’hui dans Vlaar.

L’asso Crustatombe organise chaque année l’Antinational Fest dans les Vosges. C’est un festival punk DIY (punk DIY (hardcore, crust, grindcore…) qui prône l’autogestion et la défiance face à tout forme de violence d’État. Les gens sont supers ouverts et accueillants. Il y a des stands, des petites expos, des projections de documentaires engagés… Bref allez-y !

Pour en revenir au dessin, ton style est assez identifiable, mais tu as l’air capable de changer de style selon les demandes. Tu es d’accord ?

C’est vrai que j’aime beaucoup expérimenter. Et je n’ai pas peur d’emprunter des idées à d’autres, quitte à explorer d’autres univers. Quand je vois des illustrations qui me plaisent beaucoup, je pioche des influences et je fais mon petit mélange. Pour moi, les choix de styles sont assez logiques. Quand on me demande quelque chose de particulier, je sais tout de suite quelle technique ou quel stylo utiliser. 


Tu fais de plus en plus de dessins avec la technique du « dot », où les nuances se forment par quantités de petits points…

J’ai commencé à en faire car j’avais vraiment envie de tester la sérigraphie. Cette technique d’impression est géniale. C’est artisanal, c’est tout ce que j’aime ! En plus, les noirs sont très profonds donc ça va très bien avec mon style. Le problème en sérigraphie, c’est qu’il n’y a pas de nuances. Tu peux en faire en trichant un peu, mais cela ne sera jamais vraiment du dégradé. Du coup, je n’avais pas le choix : je devais faire plein de petits points pour créer mes nuances. Mais je n’ai pas seulement utilisé le dot pour des raisons techniques.

J’ai toujours aimé les tatouages et les pochettes de crust en noir et blanc qui étaient clairement dans ce délire. C’est une technique qui prend du temps mais cela ne me dérange pas, bien au contraire. C’est important pour moi des passer des heures sur mes dessins. Il se construit progressivement. Je le vois prendre forme par étapes. C’est presque surnaturel comme sensation. Je suis dans la contemplation, complètement déconnecté de ce qui m’entoure et j’adore ça. À la fin, le temps que tu as passé sur l’illustration se voit. Cela lui donne une dimension supplémentaire. C’est un peu le même esprit pour la gravure…

L’an passé, tu as illustré des textes du poète Bob Leman (« Bienvenue à Sturkeyville »). Qu’est-ce qui t’a plu dans son univers ?

J’adore lire les bouquins d’horreur et les textes fantastiques en général.

L’aventure avec les livres a commencé en 2012 avec des amis qui écrivaient. Entre potes auteurs, on a sorti pas mal d’ouvrages. Le texte de Bob Leman m’a fait franchir une étape car c’était quelque chose d’assez « pro » et ambitieux. Les éditions Scylla font vraiment un super taf autour des « livres-objets ».

Je me suis bien retrouvé dans l’univers de Leman. C’est un peu horrifique, très mystérieux, dans une petite ville américaine… On retrouve une ambiance qui peut rappeler Stephen King, Twin Peaks, Lovecraft… 


Tu dessines beaucoup d’animaux !

C’est vrai ! Je ne saurais pas expliquer pourquoi… Je découvre tout le temps de nouvelles bestioles très bizarres. Quand tu t’intéresses à la zoologie, tu hallucines. J’aime bien ce lien avec la nature. Ça développe beaucoup mon imaginaire. 


Peux-tu nous parler de ta dernière série de dessins Têtes Brûlées ?

C’est un recueil de 14 dessins en points. Je les faisais entre midi et deux quand j’avais du temps au taf ! Je dessinais des gueules cassées, des visages brûlés, des peaux qui cicatrisent…  Comme ce sont de tous petits formats, j’ai décidé d’en faire des petits fanzines reliés par des agrafes. J’ai sérigraphié une cinquantaine d’exemplaires chez Sylvain de Circle Print et j’ai vraiment kiffé le résultat. 


Quels sont tes projets pour la suite ?

J’ai dessiné pas mal de têtes d’insectes…

En parallèle j’ai découvert de nouvelles encres, du coup je pense me remettre à la gravure.

Comme une idée chasse l’autre, je me remet dans autre chose et ça donne lieu à un petit zine ou une affiche !

On peut se quitter sur un morceau représentatif de ton état d’esprit ?

« Vinum Sabbathi » d’Electric Wizard !