Crossover the edge : When hardcore punk and metal collides

Dans les années 80, des groupes dits « crossover » mêlent punk et metal pour la première fois ! Une période passionnante qu’explore Alexandros Anesiadis dans son livre Crossover the edge (2020, Cherry Red Books).

Voici notre avis sur le bouquin, complété d’une interview avec l’auteur grec ! | Par Nino Futur


Il fût un temps, où les frontières entre les contrées metalleuses et la province punk étaient solides et dissociatives. Bien loin encore le temps où les termes « musiques extrêmes » et « fusion » étaient à la page dans la presse. La division entre deux mondes aux mode de fonctionnement relativement similaires mais pourtant éloignées de par leur préceptes idéologiques. Et on ne parle même pas de l’attention portée sur la qualité d’exécution ! Des années durant, cette guéguerre de chapelle s’étalait entre deux sous-cultures qui pourtant se nourrissaient en cachette les unes des autres.

Il n’est en effet pas rare de lire que des groupes comme Black Flag ou SSD était principalement inspirés par des groupes comme Black Sabbath, Led Zeppelin ou encore Judas Priest, et de l’autre côté de la barrière, lire que James Hetfield de Metallica s’inspirait de groupes comme Discharge ou G.B.H afin de cuirasser son jeu. Au sein de ce climat, de véritables têtes brûlées commencent à faire trembler les murs en se montrant à la fois inventifs, précis et urgents. Ces groupes sont alors les grands incompris de la partie. Malgré eux, ils créent un des genres les plus efficaces des générations à venir : le Crossover.

Mêlant la primitivité et l’énergie condensée du hardcore punk alors en pleine explosion avec la précision et la technicité du metal, une nouvelle génération de groupe commence peu à peu à mélanger les publics au seins d’une scène dans laquelle il n’était déjà pas évident de faire co-habiter punks et skins mais également les Heavys avec les thrashers.


Cette période charnière, c’est exactement sur quoi se centre Crossover the Edge, répertoriant sur toute la décennie des années 80, les acteurs ayant d’une manière ou d’une autre contribué à cet effacement des frontières, pris au jeu d’une compétition acharnée:  qui jouera donc le plus vite et le plus efficacement ?

Avec sa plume enquêtrice à la fois autistique passionné et archéologique, Alexandros Anesiadis de Thessalonique, se déclarant lui même « collectionneur maniaque », laisse la parole à ces acteurs oubliés. Ici, toute la scène crossover des années 80’s reprend vie ! On y trouve aussi bien pontes du genre (Cro Mags, Corrosion of Conformity, Suicidal Tendencies, D.R.I), des groupes dits « second couteaux » tout aussi importants (Excel, Dr Know ou encore les Italiens de Raw Power),  jusqu’aux groupes n’ayant sorti qu’une démo cradingue ou ayant participé à des expériences d’injection de chlamydia afin de financer l’acquisition d’un backline convenable (oui ça c’est véritablement passé).

Tous les groupes y passent et apportent leur pierre à l’édifice aussi poussiéreuse soit-elle, au point de pouvoir porter défaut à la lecture. En effet très (voire trop) documenté (« Crossover » fait également la part belle aux flyers, artworks et autres photos rares d’époque), le livre peut vite dissuader les personnes les moins concernées par les musiques extrêmes, de par ses nombreuses apartés sur certains disques inconnus de tous (à part peut-être de l’auteur et de ceux les ayant enregistrés), ou des propos ayant tendance à se répéter d’une personne interviewée à l’autre (ouaip, je pense qu’on a bien compris que les skinheads aimaient bien foutre la merde dans les concerts ou encore que Discharge et Motorhead c’était vraiment d’la balle…).

Le fait que l’auteur donne parfois son avis la qualité musicale discutable de certains groupes mais surtout des idéaux politiques déviants d’autres, emmène un côté plus personnel et prenant, et d’un autre côté montre une réalité, d’une scène où les tendances apolitiques du metal pouvaient y faire mauvais ménage.

Plus qu’un livre, une encyclopédie détaillée et poussée d’une scène, d’une période  (quelques apartés sont faites à des groupes death metal), qui saura en séduire plus d’un qui cherche à briller dans les gala entre deux bud light tièdes et des conversations autour du mix de la caisse claire sur « South of Heaven ».

« Metal Punx Never Die ! »


INTERVIEW

Impressionnés et curieux du travail d’érudit mis en œuvre par Alexandros Anesiadis pour mettre sur pied Crossover, voici une brève entrevue avec l’auteur concernant son feu sacré et ses projets à venir. Autant dire que du côté Alexandros de la force, il n’y a clairement pas le temps de niaiser !

Le travail pour mettre sur pied Crossover the edge est énorme, presque encyclopédique… Quand as-tu commencé a prendre au sérieux le projet, qu’est ce qui t’as motivé à « digger » ce genre musical autant en profondeur ?

Alexandros : Tout d’abord, merci pour tes mots et ta chronique ! J’ai commencé à bosser sur le projet sur la fin d’année 2017, en juin 2018 le livre était déjà en place et presque finalisé. Faut dire que j’y étais dessus sept jour sur sept !
Ce qui m’a motivé à m’y plonger tête la première, c’est de voir toutes les communautés de fans que les groupes de cette vague généraient, j’avais également envie de me lancer dans ma propre « enquête ». Il n’existait aucun livre sur tous ces groupes je me suis alors dit « si personne ne veut s’y coller, alors ce sera moi ! ».

Ce que j’ai pu remarquer au fil du livre et qui est appréciable, c’est qu’à de nombreuses reprises tu remets en cause certains groupes pour leur paroles misogynes ou leur affirmations patriotiques gênantes. Ne penses-tu pas que lorsque la musique découle d’une base punk, il est nécessaire de pointer ces faits du doigt ?

En effet. Selon moi, la politique est plus importante que jamais. Le punk est et restera politique. Et je suis plus qu’heureux de voir que de nos jours de plus en plus de groupes de metal s’affirment véritablement sur ce plan, et que la plupart de ces groupes savent désormais se montrer radicaux envers le patriotisme, le fascisme ou encore la misogynie.

As-tu eu de bons retours sur le livre de la part de membres de groupes ou d’acteurs de la scène ?

Je n’ai pas vraiment envie de me la péter, mais j’ai reçu énormément de retours postitifs particulièrement de la part de Kurt de D.R.I. , Tim de M.O.D. , Parris de Cro-Mags, Scott de Cryptic Slaughter, Greg de Excel, mais également du côté britannique avec Ian Glasper (Decadence Within) ou des frères Discharge… De manière générale je crois que le bouquin a plu. Je n’en croyais pas mes yeux quand je voyais les centaines de messages qui m’arrivaient après la sortie du livre !

Ne penses-tu pas qu’aujourd’hui la notion de crossover va bien plus loin qu’un simple mix entre metal et punk ? Par exemple, que penses-tu de la scène Trap-metal mixant les codes Death Metal, voire hardcore à une musique trap, et un fond avant tout hip-hop ?

En effet, cela a bien évolué. Dans le punk, le crossover existe depuis presque le début du genre, tu as eu des crossover avec la soul (Big Boys, The Saints…), avec le rock prog’ (Th’Inbred, Victims Family), avec la surf music (Agent Orange) etc… Pour ce qui est de la scène Trap Metal qui mixe des influences metal à du hip-hop moderne, je suis plutôt ok sur le point de vue musical, mais reste assez hermétique au côté « gangsta » de la chose.

Tes 3 disques favoris ?…

Oh merde, tu me mets mal ! (Rires)
Ok, en ce jour du 09 Avril 2021 mes disques favoris sont :
Excel – Split Image
Beyond Possession – Is Beyond Possession
D.R.I – Crossover
A demain pour une nouvelle liste (Rires)

Quels sont les groupes crossover que tu écoutes en ce moment ?

Dans les faits j’aime énormément le crossover entre le metal et le punk, mais ce que je préfère encore plus, c’est le crossover entre le punk et le rock alternatif. Et c’est d’ailleurs marrant puisque cette semaine je viens de terminer mon prochain livre : We Can Be the New Wind qui traitera de la rencontre entre la scène punk hardcore et la scène garage/powerpop au cours des années 80’s (plus d’informations concernant le livre sur Earth Island Publications ici).

Il sera tout aussi fat, avec environ 1200 groupes (tous chroniqués!!) et du contenu exclusif et interviews de près de 160 groupes ! Ce genre de crossover créée par des groupes tels que : Les Thugs, Husker Du, Parkinson Square ou The Feelies, est ce que j’ai du le plus écouter dernièrement…