Matrak Attakk en Europe du Nord (Suède, Finlande, Estonie…)

Ils sont beaux, ils sont rares. Certains groupes sont capables de jouer quotidiennement dans une dizaine de pays pendant plus de deux semaines non-stop ! Anciennement basés à Liège and maintenant dans la Sarthe, les Matrak Attakk en font clairement partie ! Véritables stakanovistes du DIY, les membres du groupe ne font clairement pas les choses à moitié, toujours au volant de leur increvable camion. À l’occasion de la « pause » Covid, nous avons interviewé Cristina. Toujours aussi détér’, et le mot est faible. | Par : Polka B. / Trad : Polka B.

Peux-tu présenter Matrak Attakk ? Quand et comment avez-vous commencé avec les autres membres ?

Matrak Attakk est un groupe anarcha-crustcore intimement lié à la scène DIY, car nous avons toujours été proches des squats, en y vivant ou en les soutenant. De 2014 à 2016, nous étions basés à Gand. Nous étions plutôt dans un délire grindcore. Fin 2014, Matrak Attakk était composé de 6 personnes, dont 2 guitares et 2 chanteurs. Les paroles n’étaient pas encore trop féministes, mais plutôt orientées “anti-psychiatriques”. Dans l’ensemble, les paroles parlaient de guerre et de post-apocalypse, comme tous les groupes de crust !

A partir de 2017, seuls 2 membres originaux sont restés dans le groupe. Nous avons déménagé à Liège pour réformer Matrak Attakk. Le line-up actuel a été formé en 2017, mais tout le monde jouait des instruments différents. On change régulièrement de line-up. Maintenant, une nouvelle aventure commence avec Py, Antoine Frits Man et moi ! Et nous allons commencer tout de suite!

Combien de fois êtes-vous allé en Europe du Nord? Selon les différents pays, était-ce plus difficile qu’ailleurs de trouver des concerts?

Nous sommes allés 2 fois en Europe du Nord et ce n’était pas plus difficile qu’ailleurs. Les gens et les lieux étaient juste moins actifs et plus lents à répondre. Beaucoup de gens sympathiques nous ont beaucoup aidé.

La première fois en août 2018, nous avons joué dans un beau festival dans les bois appelé Hygget Fest, au centre de la Suède.
Sur la route aller et retour, nous avons joué à Lübeck (Allemagne), Hässleholm (Swe), Linköping (Swe), Oslo (N), Trondheim (N), Uppsala (Swe), Malmö (Swe) et Brême (All.).

Dans le nord de la Suède, nous avons passé une belle journée libre avec des cascades et du soleil toute la nuit !
Nous avons pris le ferry et traversé le Danemark car là-bas, nous n’avons pas trouvé de date.

La seconde fois en juillet 2019, nous voulions faire une tournée plus longue. Nous avons donc décidé de traverser à nouveau le nord de l’Allemagne (Göttingen et Hambourg) pour jouer en Suède à Malmö, Götheborg, Stockholm, Uppsala, avant d’aller en Finlande pour Rovaniemi, Oulu, Joensu, Tampere , Turku, Helsinki. Ensuite, nous sommes allés dans les pays baltes pour jouer à Tallin, Riga et Vilnius. Puis en Pologne, avec Bialystok et Pobiedna, pour terminer à Halle (Allemagne) sur la route du retour ! C’était donc une très belle tournée de 19 jours (et de 19 concerts!). La prochaine fois, nous aimerions jouer à Kiruna au nord de la Suède. 

Vous avez énormément voyagé avec le groupe depuis 2015… On a l’impression que vous êtes tout le temps en tournée!

La fête a vraiment commencé en 2017 avec la formation liégeoise, car nous avions tous choisi de ne pas travailler sérieusement. Nous avions aussi des amis qui venaient avec nous. On formait une équipe élargie quand ils avaient la possibilité de venir. Mais non, nous ne sommes pas tout le temps en tournée… J’aimerais que ce soit le cas !

Qu’est-ce-qui vous a particulièrement marqués quand vous êtes allés dans les pays scandinaves ?  

Les beaux paysages à coup sûr ! Tout est immense ! Nous avons tous vraiment apprécié la beauté des terres nordiques désolées, en imaginant des scénarios «black metal» (Rires).

J’ai aussi beaucoup apprécié la quantité de personnes non binaires, femmes, trans et genrées que nous avons rencontré là-bas avec une forte composante féministe dans certaines salles. Nous avons joué avec beaucoup de groupes qui n’avaient pas de line-up masculin complet !

La Suède est vraiment connue comme la «d-beat place». Il y a vraiment beaucoup de groupes qui jouent bien. Ils ont de super sons. C’était génial de les voir et de les entendre (Vicious Irene, Anhedoni, Donde Estas …). Ils sont soutenus par tous les autres punks du coin. En Norvège, il y a Akrasia que nous avions déjà rencontré à HTH* (*« Highway to Hell »,notre ancien squat). J’ai vraiment adoré la scène finlandaise ! Il y a des groupes super originaux comme Tuhoon Tuomitut et Seurat. J’ai été vraiment touchée par leur musique. Pour résumer: des salles formidables, des gens formidables, comme vous en trouverez dans le monde entier, mais par contre, pas de squats !

Les lieux alternatifs sont-ils d’anciens squats “légalisés” comme le sont la plupart en Allemagne ?

Oui, ils sont légalisés et les gens qui y habitent paient un loyer. Pour nous, c’est vraiment cher, mais j’imagine que pour eux, ça l’est un peu moins ! Le Freggelberget à Gotheborg était légalisé, mais maintenant il est fermé. Les personnes que nous avons rencontré sur place ne pensent pas vraiment à squatter de nouveaux bâtiments. Plutôt à préserver leurs lieux, à les défendre et à maintenir leur scène en vie. Ils n’ont pas beaucoup de salles de concert. Les distances rendent les déplacement difficiles. Les punks ont donc tendance à se déplacer vers les grandes villes pour voir des groupes en tournée.

Qu’est ce qui vous a marqué quand vous étiez là-bas ?

Les rennes!

Le soleil toute la nuit.

La peur que représente encore la Russie pour les gens des pays baltes.

La nature, les moustiques de l’enfer en Finlande (je n’exagère pas).

La belle jeunesse alternative des pays baltes!

La scène crust-punk est-elle active là-bas ?

Surtout en Suède. L’essentiel de la scène s’est développée dans la partie sud-ouest du pays.

Il y a  quelques groupes au centre, à l’est beaucoup moins. Uppsala a aussi une scène plus crust-punk que Stockholm. En Norvège, c’est principalement Oslo et quelques personnes dans les forêts. En Finlande, la scène est assez active. Dans tous les cas, il y a beaucoup plus de monde et de groupes dans le sud de ces 3 pays! Dans les pays baltes, la scène alternative est plus orientée vers le metal que le crust.

Culturellement, avez-vous remarqué des différences d’approche entre ces 3 pays au niveau du fonctionnement de la scène alternative ?

C’est difficile de le voir quand on ne fait que de tourner et de jouer. Mais il semble que c’est fondamentalement la même chose pour la Norvège, la Finlande et la Suède. Comme il n’est pas possible d’ouvrir des squats, les gens s’organisent dans des maisons de jeunes ou des clubs. Un peu comme en Allemagne. La plupart du temps, les gens qui vous aident font partie du collectif ou du lieu qui organise le concert. Bien souvent, ils jouent dans un groupe. Et ils ont les structures pour organiser quelque chose de sympa ! De bonnes salles, du bon son… Je pense que comme dans tous les pays, on trouve des punks politiques et moins politiques. J’ai remarqué que dans le nord, on trouvait davantage de punks queer et non binaires.

Les territoires sont très vastes. Est-il possible de jouer dans des petites villes ? Ou faut il miser sur les grandes ? Quelles villes vous ont particulièrement marquées ?

À partir du moment où l’on veut aller au nord de ces pays, les distances sont énormes. Sinon ça va. En Suède, il y a plus de possibilités qu’en Norvège. Malgré tout, beaucoup de lieux sont expulsés ou deviennent trop chers pour que les gens les gardent ! J’ai été vraiment surprise par Hässleholm. C’est une petite ville mais il y avait beaucoup de punks qui assistaient au concert. J’étais étonnée de voir que la plupart des suédois ne connaissaient pas l’existence de cette maison de jeunes. La scène est si importante à Goteborg, Malmö ou Stockholm que les gens ne calculent pas grand-chose en dehors de ces villes. Donc, jouer dans les petites villes semble vraiment difficile car les opportunités sont réduites.

En Norvège, nous avons joué uniquement à Trondheim et à Oslo. Il n’y a pas tellement plus. Pour jouer à Trondheim, nous n’avions pas pris la peine d’étudier les cartes sur internet!

Alors la veille, au Hygget Fest, on pensait faire la fête avant de repartir tranquille le lendemain. Mais nous avons découvert qu’il y avait 13 heures de route pour y aller !!!

On a donc dû bouger en pleine nuit, dormir dans la forêt (le camping gratuit en Scandinavie, ça c’est cool!) et repartir presque aussitôt pour arriver à temps.

Tu as des anecdotes ?

Il y en a trop … Il y a ces 13 heures de route de Hygget Fest à Trondheim… 

D’autres choses étranges, comme rencontrer des amis de France au hasard sur un parking en plein milieu de la Norvège ! De rencontrer le Père Noël à Rovaniemi, de toucher des rennes, d’aller dans un sauna et de chanter avec des gens en Lettonie, de voir de nombreux groupes de musique d’ados, l’enthousiasme des gens de Tallin et de Riga, la plage derrière les centres sociaux à Tampere !

Votre positionnement et vos idées politiques sont primordiales dans votre musique. Comment avez-vous intégré ces idées dans votre façon de vivre au quotidien à travers le groupe ?

Eh bien, nous sommes tous différents, mais en pensant à nous 3 en ce moment, nous avons tous en commun d’organiser ou de jouer pour des concerts de soutien, de créer notre propre merch en sérigraphiant et en le vendant à prix libre. D’être végétalien / anti-spéciste, de voler, de squatter / soutenir des lieux squattés, enregistrer et mixer par nous-mêmes, essayer de ne pas soutenir les causes capitalistes, ne pas travailler, vivre avec le moins possible, imprimer et vendre / échanger des fanzines politiques, des patchs… de proposer des freeshops, de recycler des chemises et des tissus pour imprimer nos groupes / designs politiques dessus …

Comment avez-vous adapté votre mode de vie dans le contexte du corona virus ?

Toi même tu sais, nous avons quand même tourné en septembre 2020…

C’était encore possible en République Tchèque et en Pologne à ce moment-là. Nous avons donc passé 16 jours formidables et nous en sommes reconnaissants. Nous sommes également allés 5 jours en France et en Suisse à la fin du mois d’août (eheh et devinez qui était là!). Nous avons saisi l’occasion de faire ce que nous aimions. Au début, nous avons eu beaucoup de chance de vivre tous ensemble. Nous pouvions nous entraîner quand nous le voulions, et enregistrer des chansons pour une split tape et un album complet. Mais en plus des annulations de concerts, la tristesse nous a envahit quand nous avons été expulsés de notre squat.

Nous avons perdu le luxe de jouer de la musique et de nous voir. Mais en même temps, maintenant que nous avons perdu notre squat (HTH), je suis plutôt contente d’avoir à nouveau une vie nomade et de ne plus avoir de pied-à-terre. HTH a duré 3 ans, je n’ai jamais vécu aussi longtemps dans un endroit depuis que je suis en Belgique (2007).
Alors oui j’aime bouger et jouer… et cela se reproduira bientôt! En espérant comme tout le monde, que la scène musicale DIY / underground ne ressortira pas affaiblie de ces années solitaires!

Pouvez-vous nous donner un morceau représentatif de cette année 2021 selon vous ? (Un des derniers morceaux qui vous ait mis une claque!)

“I want to break free”? (Rires) Or ‘The show must go on” ! Désolé, musicalement nous ne sommes pas vraiment à jour