Travel diary with… Jodie Faster au Royaume-Uni

En septembre dernier, le quatuor fast-punk de Lille a fait très fort en bravant les restrictions covid et la masse d’embrouilles potentielles liées au Brexit ! D’autant que l’Angleterre n’est pas une destination des plus courues pour les tournées de groupes de musique DIY. On s’est dit que les Jodie Faster pouvaient nous apporter leur éclairage ! Alors No Gain Just Pain, ou bien ?  | Propos recueillis par Polka B.

Comment cette tournée anglaise en compagnie de deux groupes locaux (Rash Decision et Pizza Tramp) a-t-elle vu le jour ?

Clément : J’ai beaucoup tourné en Angleterre dans mes précédents groupes car nous avions fait jouer un groupe anglais à Lille. J’étais plus jeune à l’époque et ils m’avaient impressionné. Ça m’a montré qu’il y avait des gens très chauds qui pouvaient faire énormément de choses en totale indépendance. Dès le départ j’étais motivé pour aller là-bas, mais mes potes l’étaient un peu moins…

Mika : C’est vrai que de mon côté, j’avais déjà eu des retours assez négatifs d’amis qui y avaient joué. Pour eux, l’accueil n’était pas top. La bouffe, l’hébergement genre « nuit dans la voiture », le fait d’être payé au lance-pierre…

Clément : Le truc c’est que de mon côté, j’avais déjà accueilli un groupe anglais en France. Ça fait toute la différence. Quand tu héberges des personnes chez toi, ils font un effort pour te rendre la pareille. Avec Jodie Faster, on a booké une première date là-bas en 2019 au Manchester Punk Fest. C’était vraiment une chance de commencer là-bas. On y trouve toute la scène punk-hardcore du pays

Ça te donne une visibilité direct car tous ces gens issus du DIY organisent des concerts chez eux dans des clubs.

Pour le reste, j’avais les contacts histoire de trouver cinq autres concerts. En plus, le label Toxic Wotsit nous a fait jouer à Hastings. Ils ont tellement de contacts que cela nous a ouvert plein de portes ! De fil en aiguille nous avons connu Pizza Tramp, et nous les avons fait jouer en France.

Mika : Il faut aussi dire que TNS Records est co-organisateur du Mancheter Punk Fest et que le label correspond parfaitement à notre délire musical.

Clément : Suite à notre concert à Manchester, ils nous ont soutenu pour la sortie de notre LP Blame Yourself. Ils ont aussi participé au re-pressage de notre premier projet. Quand nous sommes revenus après deux années covid, on a clairement vu la différence ! Il y avait une vraie attente grâce au taf de TNS…

© Mark Richards

Au niveau de la scène punk DIY, le public anglais a t-il une approche différente par rapport à la France ?

Clément : Le délire est assez particulier. Ils sont plutôt fermés sur tout ce qui se passe à l’extérieur. Mais en même temps, quand ils ont trouvé un groupe étranger qui met un peu tout le monde d’accord, ils peuvent s’enflammer rapidement ! Ils sont très ouverts aussi… Ils peuvent tout autant apprécier du skate-punk super technique que le son d’un groupe qui n’est pas en place musicalement mais qui a de bonnes paroles !

Mika : La scène est très inclusive. C’est revendiqué partout en Europe mais en Angleterre, on le voit aussi dans les faits. Il y a plein de meufs dans le pit et tout se passe super bien. C’est quelque chose de normal.

Clément : Les gens sont friands de punk et de rock’n’roll en général.

Il y a tous types de personnes. Tous types d’âge. On sent que c’est dans leur culture. Ils vont voir un concert comme ils iraient au restaurant ou au ciné. Ils développent un vrai esprit critique à force de voir des groupes. Ce sont des connaisseurs, sans pour autant être pointus dans le sens « élitiste» de la chose.

Et l’hébergement ? C’était comment ?

Mika : Comme nous tournions avec une bande de copains, on a dormi dans les apparts des gens... La classique !

On était nombreux mais c’était cool. En général, ce sont des gens de groupes qui connaissent aussi la vie de tournée. Ils nous ont accueillis comme ils auraient aimé être accueillis.

Clément : Je pense aussi qu’ils ont pris conscience du décalage par rapport à l’Europe. C’est vrai que dormir dans la salle du concert avec un tas de frites sèches en guise de repas… Après, notre vision d’aujourd’hui est peut-être biaisée parce que notre groupe marche un peu plus qu’avant. En tout cas, ils disent eux-mêmes qu’ils se sont remis en question là-dessus.

Mika : C’est un peu pareil dans tous les pays je pense… Il faut trouver le bon réseau et les bonnes personnes.

Et au niveau des dépenses ? Le ferry n’était pas trop cher ?

Mika : Il n’y a pas que le ferry qui coûte cher ! Sur place, on a du payer 125€ de tests PCR chacun !

Clément : Ils ont ouvert le système de santé à l’économie de marché… et ça fait mal.

Mika : On a quand même réussi à s’en sortir tout juste avec 100€ de benef’ ! C’est clairement grâce à notre merchandising. Nous avons sérigraphié nos tshirts sur place. Cela nous permettait de passer  avec un camion vide à la douane. Sans même nos instruments, vu que Pizza Tramp et Rash Decision nous ont tout prêté. Cela nous a permis d’esquiver les taxes liées au Brexit. 

Clément : On s’en est tirés grâce au plateau aussi. Comme il y avait plein de groupes, toutes les salles étaient blindées. Je pense aussi qu’on était un des premiers groupes étrangers à revenir en Angleterre malgré le covid et le Brexit.

Mika : La prépa était assez compliquée. En gros, tu dois obligatoirement être vacciné. Tu dois te faire tester avant de partir, et prouver que tu as pris des rendez-vous pour te faire tester plus tard… et avoir payé les tests avant ! Sans ça, pas de visa.

Clément : D’ailleurs, au niveau des contrôles il étaient plutôt centrés sur le covid. Je pense qu’on aurait pu avoir nos instruments de musique. Ce serait passé…

Vous avez plutôt joué dans des clubs. Comment était l’ambiance ?

Mika : L’état d’esprit n’a rien à voir. Déjà, tu peux pousser le son de ton ampli à fond ! On s’en est rendus compte quand les anglais venaient jouer à Lille… Ils jouent 10 fois trop fort et on sait pourquoi ! (Rires) Bref, on ne nous a jamais pris la tête. 

Clément : Là-bas, ils mettent juste un micro sur le kick et la caisse claire. Dans la sono, tu n’as que ça et les voix. Du coup tu peux y aller à fond. Toutes les salles sont très bien équipées. Il y a quasiment du backline dans tous les spots. Tu peux arriver les mains dans les poches… 

Souvent dans les petites villes, tu te retrouves dans un rez-de-chaussée assez clean qui fait office de pub. Et quand tu montes à l’étage, tu trouves la salle dédiée aux concerts, là où les orgas peuvent organiser.

Pouvez-vous nous parler du festival Wotsit Called Fest ?

Mika : C’était assez marrant. On a retrouvé quasiment toutes les personnes que nous avions croisées sur les dates précédentes ! L’Angleterre, ce n’est pas si grand. 

Clément : C’était génial. Comme la réunion d’une bande de copains. L’ambiance était mortelle. On a découvert un super groupe : les Shooting Daggers. 

©Sara-Louise Bowrey

Comptez-vous continuer à faire vivre le nom Jodie Faster en Angleterre ?

Clément : C’est clair ! On nous a déjà proposé deux festivals en 2023 donc on ne va pas se priver. En plus TNS nous soutient. Pour l’instant, c’est l’endroit où le groupe fonctionne le mieux.

Mika : Il faudra guetter les évolutions du Brexit ! On verra…

© Mark Richards

Qu’est ce que vous conseilleriez à un groupe qui voudrait jouer là-bas ?

Clément : Faire des refrains faciles à chanter ! Plus sérieusement, on a eu pas mal de retours sur nos paroles. Venant d’Europe, on a peut-être tendance à sous-estimer le contenu quand on choisit de chanter en anglais. Comme c’est leur langue maternelle, leur attente est forcément différente.

Pour jouer en Angleterre, je pense qu’il vaut mieux contacter des groupes qui ont le même délire que toi. Et créer un vrai échange ! Les anglais ont déjà énormément de bons groupes chez eux, mais ils sont suffisamment connaisseurs pour repérer d’emblée les groupes valables en live.