Arthur Perrin

Arthur Perrin

« Les détails du bloc »

Arthur Perrin nous régale avec ses photos de manif, qui ont orné le quatrième de couverture de la plupart de nos numéros !

Pour aller plus loin, nous voulions revenir sur sa fameuse série du « Bloc », et aller plus loin dans notre connaissance de ses plus récents travaux photographiques, réactivant une vieille légende des forêts vosgiennes !  Du cocktail molotov au sapin des Vosges, il n’y a qu’un pas !

Comment as-tu commencé la photo ?

Tu étais à Lyon pour tes études ?

Ce qui est notable chez toi, c’est le fait de relier ton intimité, ta vision, à tes photos. Chez toi, ce sont tes propres sensations qui nourrissent ton travail.

Complètement. Le regard neutre ne m’a jamais parlé. Je ne suis pas dans le photo-journalisme avec un regard soi-disant objectif.

Ma première expérience de reportage, c’était dans un éco-village. J’ai vécu un moment en tant qu’individu. Je ne pouvais pas mettre à distance mon ressenti. Je voulais justement transmettre mon regard.

Rendre compte de ce que j’avais vécu. Ça me libère d’être dans ce registre.

En manif, dans le cadre de ta série Les Détails du Bloc, que voulais-tu transmettre ?

Quelque part, la photo m’a servi de premier pas dans les mouvements sociaux. C’était surtout au moment du vote de la loi « sécurité globale ». Ce type de grandes manifs, c’était nouveau pour moi. Le Black Bloc m’intriguait.

Au début, j’étais vraiment dans le reportage. Mais ce n’était pas très pertinent. Ce qui m’intéressait vraiment, c’était l’autonomie. Comment en tant qu’individu, on peut décider de s’affranchir des syndicats et des structures en place pour choisir un autre type d’action. Je suis politisé et j’ai une sensibilité autonome. J’étais habillé comme quelqu’un du bloc pour m’y intégrer afin de retranscrire son énergie, son mode d’action et ce qui pouvait s’y passer.

Un an plus tard, je me suis replongé dans mes archives. Les angles étaient très larges. Ce qui m’intéressait, c’est ce qui se trouvait au fond du champ. Alors, je me suis mis à zoomer dans mes photos pour relever les détails. Voilà comment j’ai créé un début de série des Détails du Bloc. Au début, je ne m’autorisais pas trop à recadrer. La culture de la photo en général, c’est plutôt de la laisser telle quelle. Mais j’ai kiffé fouiller dans ces petits zooms. Il se passait des trucs de fou que je n’avais pas forcément vus à la base.

Que réponds-tu aux gens qui pensent qu’il s’agit de « Riot Porn » ? Que cela esthétise la lutte, sans évoquer en profondeur le contenu politique de la contestation ?

Quand je me suis documenté sur le Bloc, je me suis beaucoup intéressé à la stratégie en manif. À la base, il s’agit d’utiliser le spectaculaire dans une société du spectacle, dans le but de se faire entendre. Il s’agit d’attirer les caméras, pour mettre en exergue le message politique. C’est pour ça que je me suis orienté vers le noir et blanc. Pour le côté brut et direct. Le texte a beaucoup d’importance pour moi. Il s’agissait d’expliquer la photo, plutôt que de se reposer uniquement sur l’esthétique. Si je n’ai pas d’images hors-bloc, c’est parce que le reste ne m’intéressait pas, honnêtement.

Ce qui est singulier dans ton travail, c’est qu’il n’y a pas de juste milieu entre la retranscription de l’urbain, et les photos en pleine nature éloignées des grandes villes.

J’imagine que cela correspond à ton environnement immédiat, car après ton départ de Lyon, tu es retourné dans les Vosges. Comment articules-tu les deux univers ?

As-tu le projet de réaliser des séries photo ailleurs ? Que cela soit prétexte au voyage ?

Pas forcément. Pour l’instant, ce projet me prend beaucoup de temps. J’ai envie de le faire bien. Il me faudra un peu de temps avant de le sortir officiellement.

Si je me projette, je pense que l’endroit n’est pas important pour moi. C’est le thème qui compte. L’écologie, ou des sujets importants pour moi : le travail, la nostalgie, le temps qui passe, comment j’occupe mon existence…

Quels sont tes autres projets ?

Je veux créer un fanzine pour parler des forêts vosgiennes. Évoquer les problèmes actuels, les différentes solutions…

Est-ce que la légende du Houéran ne pourrait pas être menée par des personnes du coin, qui tiennent à leurs forets ? Cela pourrait s’appeler Le Houéran revient. Je vais m’y mettre en tout cas ! J’ai vraiment envie de faire de l’écrit, et d’être présent dans les info-kiosques avec ce sujet !