Flavia Beaka

Flavia Beaka

Flavia Beaka porte ce charisme immédiat des rappeur.ses qui dégagent une vibe, prennent l’espace, et l’occupent d’une manière qui n’appartient qu’à elles.eux. Voguant au hasard dans les méandres de Youtube, nous nous sommes mangés dans les dents le clip de « Kill Them ». Face à ce super morceau, nous ne pouvions que nous intéresser de plus près à la rappeuse, originaire du fameux quartier de Vallecas, sur les hauteurs de Madrid.

Merci à elle pour sa disponibilité et sa gentillesse ! Courrez écouter sa musique, vous ne serez pas déçu.e.s ! 

Pourrais-tu te présenter ?

Je me vois comme une femme forte et simple, qui aime profiter du temps de qualité avec sa famille et ses amies. Éloquente et cohérente avec ce qu’elle dit, sûre d’elle et passionnée de sport. Et bien sûr, de musique !

Quand as-tu découvert le hip-hop ? Quel était l’artiste qui t’a le plus influencé ?

J’ai découvert le hip-hop grâce à mes frères aînés. Nous sommes six frères et sœurs, et je suis la plus jeune. J’étais plongée dans ce qu’ils regardaient, écoutaient ou faisaient. Cela m’a beaucoup marquée.

Je pourrais dire que j’ai eu deux grandes influences féminines dans mon adolescence : Lauryn Hill et Arianna Puello. Il y a eu d’autres femmes qui m’ont inspiré, que j’ai peut-être découvertes plus tard. Cela ne les rend pas moins importantes, mais je pense que ces deux-là ont été détérminantes pour moi.

Écoutais-tu davantage de rap espagnol ou américain ? Quels albums t’ont accompagné tout au long de ton adolescence ?

J’écoutais du rap espagnol, américain, français… Mais pas seulement du rap. Aussi du reggae et du dancehall. J’ai écouté de tout, depuis Violadores del Verso, 7 Notas 7 Colores ou VKR jusqu’à Capleton ou Sizzla, en passant par Nas, Fugees, 113, IAM, Wu Tang Clan, Aretha Franklyn…

Comment as-tu commencé à rapper ?

J’ai commencé à écrire mes premières lignes vers l’âge de 13 ans, mais je ne les ai montrées à personne… J’imagine que c’était un peu par honte, car j’étais la seule de mes amies à écouter du rap. Plus tard, avec mon amie Shey, on a commencé à se montrer ce qu’on écrivait.

Mais ce n’est qu’à 15 ans, quand j’ai rencontré Nasta, du groupe underground madrilène Hijos Bastardos, que j’ai enregistré mes premières voix.

À partir de ce moment-là, j’ai timidement commencé à rapper dans des cercles de rue, à rencontrer plus de rappeurs et rappeuses de mon âge et à montrer mes textes et mon style. C’est parti comme ça.

D’après ce qu’on voit sur les réseaux tu habites à Vallecas. À quoi ressemble la vie là-bas ?

Avant, j’habitais à San Blas, mais à l’âge de 8 ans, nous avons déménagé à Vallecas, donc j’y ai pratiquement grandi. Malgré mon jeune âge, à San Blas j’ai appris, vu et vécu beaucoup de choses.

Vallecas est composé de deux quartiers (Puente de Vallecas et Villa de Vallecas), ce qui en fait l’un des plus grands quartiers ou « zones urbaines » de Madrid. C’est un quartier populaire, combatif, avec une grande diversité culturelle, où les gens avec un pouvoir d’achat élevé ne viennent pas vivre. C’était un quartier avec des loyers abordables et de nombreuses petites entreprises, mais au fil des années, ça a changé. Les prix ont augmenté,beaucoup de commerces ont disparu. Mais pour moi, le caractère et l’identité du quartier n’ont pas changé.

Pour parler de ton nouveau projet, pourquoi l’avoir appelé Otra Vida 2024 ? Quelle est l’idée principale de cet album?

Otra Vida s’appelle ainsi parce qu’au milieu du processus d’écriture, mon frère aîné a eu un très grave accident de voiture et a failli mourir. Ce titre est donc un message, un cri. Une étreinte pour lui, pour mes autres frères et sœurs, pour mes parents et pour moi. Profitons de chaque seconde de notre vie, car il n’y aura pas toujours de seconde chance.

La direction principale de l’album a changé avec cet appel de l’hôpital. J’ai changé… TOUT a changé. L’objectif final était d’être assez forte pour terminer ce que j’avais commencé des mois auparavant, me débarrasser de mes démons, ma douleur, mes désirs, de pardonner et de remercier ceux qui m’ont soutenue… En somme, de respirer à nouveau et de profiter de la musique.

Quelles sont les différences par rapport à tes deux albums  précédents Sangre (2016) / Alétheia (2021) ?

Si je n’avais rien changé depuis 2016 et la sortie de Sangre jusqu’en 2024 avec Otra Vida, il y aurait un problème chez moi ! (Rires)

Aujourd’hui, je me connais mieux. J’ai une meilleure relation avec moi-même, j’apprécie davantage mon temps, mon énergie et mon travail, ce qui me permet de m’exprimer en toute confiance, que ce soit à l’écrit ou sur scène.

Dans Sangre, il y a une Flavia qui ressort peut-être plus sensible avec une écriture très profonde où je m’ouvre dans chaque morceau. Dans Alétheia, je continue à être profonde et sensible parce que c’est quelque chose qui fait partie de moi mais je fais ressortir davantage cette façon de rapper plus dure, plus directe… ce serait la différence pour moi, une façon plus crue de dire les choses.

Dirais-tu que tu es avant tout une rappeuse boom-bap, ou apprécies-tu aussi les influences du rap actuel, comme la trap ou la drill ?

Ces derniers temps, j’ai beaucoup travaillé dans le boom-bap, notamment avec Naf Loops, qui est une perle pour moi. Mais je ne m’y enferme pas, car avec Rams, Chaman ou d’autres producteurs avec qui j’ai collaboré, ce n’est pas forcément ce son. J’aime aussi cette diversité.

Mais je ne ne me vois pas faire de la drill, par exemple. Ce n’est pas vraiment mon truc. J’aime aussi les sonorités afro, mais je n’ai pas encore trouvé de producteur qui travaille dans ce style. Donc, je lance une bouteille à la mer… au cas où un producteur voit ça et veut bosser avec moi ! Je ne suis fermée à rien, mais je ne travaille que sur des sons qui ont une âme. J’aime la musique. Si un rythme ou un beat me fait ressentir quelque chose et m’inspire, alors c’est parti !

Quelle est la chanson qui représente le mieux ton univers ?

Comme tu disais, tu travailles souvent avec certains beatmakers comme Rams et Naf Loops. Est-ce important pour toi d’avoir une relation privilégiée avec des producteurs ?

Oui, c’est très important. Travailler avec eux m’a énormément aidée, car nous avons une excellente relation et une vraie amitié. Ils me connaissent bien et savent comment tirer le meilleur de moi en studio. Donc oui, y a une énorme différence entre travailler avec des beatmakers avec qui tu as une relation de confiance et d’autres que tu ne connais pas.

Le monde du rap et du hip-hop a toujours été majoritairement masculin. Penses-tu que cette tendance a évolué ces dernières années ?

Dirais-tu qu’il y a eu des progrès en Espagne par rapport à la scène internationale ? Quelle est la place des femmes dans le rap aujourd’hui par rapport aux générations précédentes ? Qu’est-ce qui a changé ?

Selon toi, quels sont les stigmates dont souffre la population racisée en Espagne ? Quels préjugés existent à l’égard de la communauté afro-descendante ? En as-tu subit ?

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Si tu devais garder juste deux albums de rap français, tu prendrais lesquels ?

Je vais me répéter mais sans aucun doute, les deux albums de rap français que j’ai le plus écouté et que j’écoute encore aujourd’hui : Mauvais oeil de Lunatic et À l’ombre du show business de Kery James (pour moi, vraiment, ce sont 2 deux pépites).

Je t’en ai déjà parlé mais l’influence de mes grands frères se fait ressentir, car j’ai découvert la plupart de ces groupes mythiques grâce à eux. D’autres mes reviennent en mémoire : NTM, 113, IAM, Mafia K’1 Fry, Kenza Farah, Diam’s, Zaho, Psy 4 De La Rime, Fonky Family, Oxmo Puccino, Don Choa, Saïan Supa Crew, Explicit Samouraï…

Mais aussi des artistes plus actuels comme Kaaris, Hamza, Maes, PNL, Niska, Jul, MHD… Et c’est certain qu’il y en a bien d’autres ! Je suis sûre que j’en oublie beaucoup qui ne me viennent pas à l’esprit…

Et pour terminer, pourrais-tu nous citer 3 chansons que tu as écoutées récemment et que tu as kiffées ?

Bien sûr ! Voici 3 morceaux de 3 femmes qui m’inspirent beaucoup en ce moment.

HUDA – « 5mil » (Je vous conseille d’écouter son album entier, Jamila, et de regarder son clip sur YouTube. Vous comprendrez peut-être encore mieux cette chanson.)

IVY SOLE – « Dangerous » Feat. Kingsley Ibeneche (Extrait de son album CANDID )

LITTLE SIMZ – « Point and Kill » (Extrait de l’album Sometimes I Might Be Introvert)

Merci beaucoup d’avoir voulu mieux me connaître en tant qu’artiste et en tant que personne. Merci de m’avoir donné l’opportunité de me faire découvrir ailleurs. Un gros bisou et un câlin !