Bernuggets

Bernuggets

Bernuggets est un acharné ! Un obsédé de boulons, de vis, de machineries, de robots dont la tête prend feu quand ils s’énervent, de personnages capuchés avec des baskets énormes venant s’écraser dans nos rétines. Il vient d’Italie, aime le punk hardcore, et nous régale de compositions graphiques à cheval entre deux mondes. Constamment partagé entre iconographie Hardcore « classique », et les portes d’un univers fantastique dont lui seul détient les clés ! Merci pour tout Mr. Bernuggets !

| Propos recueillis par Polka B. 

Comment as-tu commencé le dessin ? Quelles étaient tes premières inspirations ?

Tu sembles proche de la scène Hardcore. Comment as-tu découvert cette musique ?

Cette scène veut dire beaucoup pour moi. Je ne remercierais jamais autant cet ami qui m’y a intronisé par l’album Rock the Fuck on Forever de Angel Du$t et Non-Stop Feeling de Turnstile. J’étais dans le metal durant le lycée mais cette musique m’a transporté beaucoup plus loin dès la première écoute. Ce n’était pas du metal, ou du punk tel que je le connaissais… c’était juste différent.

Je sais que je parle de Hardcore plutôt moderne, mais c’était la meilleure entrée possible afin d’apprécier les vieux groupes plus importants du genre et surtout toute la culture.
J’étais tellement à fond que mon sujet de master traitait de la scène Hardcore US et la signification des contre-cultures dans la société américaine des années 1980’s. J’étudiais en informatique.

De quel coin d’Italie viens-tu ?
Peux-tu nous parler de ton environnement local ? Quelles sont les particularités du milieu alternatif là-bas ?

Quelles sont tes inspirations ? T’es-tu essentiellement inspiré des graphismes et de l’imagerie Hardcore ?

De base je voulais faire de la BD, j’ai étudié les super-héros américains, mais je n’étais pas très bon à ça. J’étais trop fainéant  pour apprendre les bases sans éducation formelle. Mais c’est le départ de toute mon inspiration.

J’ai commencé à reprendre l’imagerie classique des flyers américains: des skinheads, des riot girls, des encapuchonnés, des diables, des persos agressifs. Et… beaucoup de baskets. Genre, beaucoup! Le tout sur des persos qui moshent. Un classique. Mais c’était un bon début. 

Cette imagerie est basée sur des codes specifiques. Veux-tu y inclure une iconographie un peu plus neuve ?

Je ne dirais pas y ajouter de la nouveauté, mais j’ai l’impression que ces codes limitent les opportunités graphiques. Parfois l’étiquette “Pas assez hardcore” nous oblige a retomber dans les vieux travers redondants du genre. Les gens veulent les mêmes persos, les mêmes dynamiques à mettre sur leur merch pour avoir l’air badass. Ce qui renforce certains aspects du Hardcore moderne que je n’apprécie pas.

J’ai arrêté (ou presque) de dessiner la même chose pour trouver ma voie qui ne colle pas totalement à l’imagerie du genre. Je me demande encore assez souvent “est-ce assez Hardcore? Est ce que la scène va apprécier?” Mais pourquoi ? En tant que groupe, tu fais appel à un artiste car tu te reconnais à travers son univers et sa vision.

On peut dessiner des chats qui iraient bien sûr du merch. Est ce que les chats sont hardcore ? C’est un problème systématique, le Hardcore doit englober une imagerie violente, badass et rien de plus. J’exagère bien sur… mais tu as l’idée… sortir de la zone de confort, rechercher quelque chose de différent. Les américains ont déjà commencé sur cette voie, pourquoi ne faisons-nous pas la même en Europe? 

Tu as l’air quand même pas mal inspiré par les robots, les armes, la violence, les atmosphère d’invasion. D’où vient cette obsession pour les machines et l’apocalypse ?

C’est marrant car cela ne provient d’aucun trauma, la raison principale vient des LEGO Bionicles, qui déchiraient à l’époque !

Il n’y avait pas de familles, d’amitié, c’était des immenses chars d’assauts qui se changeaient en scorpions dans un scénario de futur dystopique. Les visuels étaient gros, bruts, à la fois simples et complexes. Tu pouvais construire un bionicle géant à partir de trois autres.

Mon cerveau doit avoir pris forme de bionicle depuis. Je passais mon temps à essayer de créer le plus gros et le plus féroce. Pour mes parents c’était ok. C’était une bonne façon de laisser libre cours à ma créativité. Shout out à mes parents. 

Tout ça s’est développé ensuite quand j’ai découvert les mangas aux univers cyber comme Nihei’s Blame!, Biomega ou Abara. Voilà pourquoi je suis immergé dans le cyberpunk et les robots. Artistiquement, c’est aussi un modèle efficace pour améliorer mes competences.

Peux-tu nous parler de ton personnage phare: ce mec mystérieux, encapuchonné avec des yeux intenses?

En parlant d’imagerie Hardcore, voici la plus iconique. Je ne me souviens pas de la première fois où je l’ai dessiné, mais durant mes études, je regardais beaucoup d’anciens objets et il y avait en permanence ce perso apparaissant sur du merch, des albums, des flyers. Les américains sont fous avec ça  et comme je m’en nourrissais, j’ai commencé à en dessiner de manière compulsive.

Artistiquement, il n’y avait de personnel, mais peut être que je me trompe en affirmant ça, j’étais un des seuls en Italie du nord à en faire et à les partager (si j’ai tord manifestez-vous!).

Je me souviens d’un jour lors d’un show, un gars me dire “oh tu es le gars qui fais les hooded moshers?” Et dans ma tête c’était: merde… c’est ça que je suis ? Mais c’était également agréable. J’aime toujours en faire autant avec ou sans visage ahah. 

Tu as également co-fondé le fanzine “Do You Care?” Peux-tu nous en parler ? Quelle est ta vision du fanzinat ?

C’est un peu mon petit bébé. C’est un de mes projets principaux et je suis si heureux de l’avoir fait. Cela a commencé il y a deux ans avec mon associé (mon king, Luca Cescon) qui m’a écrit sur Insta (fuck Insta sauf pour ce genre de cas) car il avait vu des pages d’un zine que j’avais tenté de faire durant le COVID et qui n’a jamais abouti. Il n’est pas passé par quatre chemins et m’a proposé de faire un zine.

En moins de deux mois, on a sorti le premier numéro. Le truc le plus ouf c’est qu’on ne se connaissait même pas ! On aimait le Hardcore et c’était suffisant. C’est comme ça qu’une amitié est née. Les publications ont progressé, on y voyait plus clair.

Nous nous sommes toustes retrouvé.e.s dans cette culture, car nous recherchions un endroit où être nous-mêmes, maintenant c’est notre tour d’ouvrir cet espace à d’autres. On a changé le focus des groupes pour aller vers les gens qui gravitent autour, ceux qui font partie de la scène dans l’ombre. C’est le point principal: que chacun se sente inclus. Et je ne vais pas mentir : nous recevons bien plus de soutien de ces gens que des groupes qui se pensent trop souvent au top. Pas tous les groupes, évidemment, mais on se comprend.

Notre zine est basé sur la contribution de gens talentueux et inspirants: artistes, photographes… Et qui ont des projets sérieux dans lesquels ils croient. Bien-sûr, on chronique un peu les sorties.

Du point de vue artistique, on pousse les artistes plus jeunes à s’exprimer, on ne fait pas de contenu exclusif, on leur laisse le champ libre. J’aimerais que chaque zine soit également le-leur. Que les gens se demandent qui ils sont à la vue de leur travail et les soutiennent. C’est un peu un rêve mais c’est aussi pour ça que j’ai voulu commencer ce zine.

Considères-tu le DIY comme une affaire politique?

Tu es très actif, que ce soit avec les artworks de groupes (Leach, Big Shot, DIY Conspiracy…), du merch, ou du travail graphique en général. Comment organises-tu l’équilibre entre passion/vie professionnelle ? Aimerais-tu vivre de ton art?

Quels sont tes projets justement ?

J’essaye de faire une BD, c’est tellement dur. Ça me bouffe tellement de temps avec mon job, mon zine, le reste… C’est galère de rester solide durant la semaine. Je n’ai pas pour vocation de faire un chef-d’oeuvre (cela n’arrivera probablement pas) mais je veux avoir cette satisfaction de “oh! C’est ma BD!”.

Je veux voir comment je suis capable d’écrire une histoire. A quel point je peux être serieux ou stupide ahah. C’est l’histoire d’un gars dans un monde post-apocalyptique essayant de retrouver les traces de la culture du Hardcore dont il a entendu parler par hasard. Quand il se mets en colère, il prend littéralement feu. Et au milieu de tout ça, deux puissances se battent pour rebâtir le monde dont ils rêvent. Ca va être quelque chose, crois-moi.

C’est quoi ton rêve en tant qu’artiste?

Laisser une sorte d’héritage. Créer évidemment, mais devenir une forme de référence pour les plus jeunes. J’aimerais qu’ils poursuivent leur passion parce que quelqu’un comme moi l’a fait. De manière rationnelle bien sur. Ça sonne très « égomaniaque » mais il faut rester fier de ses choix.

Tes 3 sons du moment ?

– « Too Much » de Initiate

– « Football » de Candy 

– « Resilience » de Oltrezona