HELP 4 DUNKERQUE 

Help 4 Dunkerque, on connaît « au moins » de nom. Via sa fameuse soirée d’octobre, moment festif permettant de récolter des fonds pour son activité à l’année. 

Alors ça consiste en quoi H4D ? Partant d’une initiative personnelle à l’automne 2020, l’asso s’est construite sur des valeurs d’entraide et de solidarité pour venir en aide aux migrants du camps de Grande-Synthe, en banlieue de Dunkerque. Une zone que les réfugiés eux-mêmes appellent « La Jungle ». Champ de boue, abris précaires, sans eau, sans toilettes. Pour évoquer ce sujet complexe où la violence d’État frappe sans le moindre filtre, nous avons rencontré Chloé, membre de H4D particulièrement impliquée sur le terrain.

On remercie infiniment Robert Ciszak pour ses photographies de l’hiver dernier !

 | Par Polka B. & Laslav’ / Photos : Robert Ciszak / Illus : Mademoiselle Pin

La jungle de Calais, c’est quoi ? (depuis 1999)

La jungle de Dunkerque, c’est quoi ? (depuis 2005)

Interview : Chloé (Help 4 Dunkerque)

Comment est née l’association Help 4 Dunkerque (H4D) ? Pourquoi avoir concentré votre activité dans cette ville ?

Notre pote Clio est à la base de l’asso.  Elle avait vu des photos du camp qui l’avaient particulièrement choquée. Elle s’est rapidement décidée à aller sur place. Des amis Italiens de l’orga No Borders TV  l’ont beaucoup aidé, car ils avaient l’habitude d’organiser des convois solidaires. Je pense qu’ils l’ont bien briefée niveau logistique. Cela lui a donné le courage de franchir le pas en mobilisant son réseau pour construire un projet collectif. Et cela a pris très très vite ! Si elle a un pouvoir magique c’est bien celui là !

Son enthousiasme fait que toutes les personnes proches d’elles finissent par la suivre ! C’est ce qui m’est arrivée… C’était l’occasion de faire quelque chose de concret après la période de Covid. Ce qu’il faut savoir, c’est que nous vivons en camion. Notre mode de vie fait qu’on ne peut pas s’engager sur des périodes longues. On aime être mobiles. Avec cette asso, on peut se donner à fond pendant un mois, puis repartir et revenir plus tard. C’est très souple. Pour nous, c’est la meilleure façon de s’engager sur le long terme.

Quels sont les objectifs de H4D ?

Au départ, l’asso devait simplement ramener du stock sur place : des couvertures, des tentes et des fringues. C’était la priorité. Au fur et à mesure des années, nous avons construit d’autres choses comme le camion-douche avec de l’eau chaude, une installation vraiment cruciale !

Avant, il n’y avait rien hormis les douches du stade d’à côté qui n’ouvrait qu’une fois par semaine. On parle de plusieurs centaines de personnes dépourvues d’hygiène et d’intimité. Il faut voir la bonne humeur des gens quand ils sortent du camion !

Comment récoltez-vous tout ce matériel ?

On organise tous les ans un grand événement au mois d’octobre. Cela nous permet de collecter des tunes juste avant notre départ pour l’hiver. Et ce n’est pas que de l’argent. Des personnes nous font des dons toute l’année. Elles nous font confiance et ça fait plaisir ! On se sert aussi de ces fonds pour les frais de fonctionnement de l’asso (essence, etc..).

Avec l’expérience, on se préoccupe de plus de plus de notre façon d’interagir avec les exilés. Car contrairement à la plupart des assos, nous sommes présents sur le site toute la journée (de 8h à 18h). On est un vrai relais d’aide aux personnes sur place avec un rôle important d’information et de transmission. On redirige beaucoup les personnes vers d’autres assos selon leurs demandes. On fait aussi beaucoup de prévention sur les risques de la traversée en bateau.

Pourquoi trouve-t-on une grande majorité d’hommes sur le camp ?

Des assos prennent spécifiquement en charge les femmes et les enfants. On les voit moins car cette population est rapidement éloignée du camp, même si elle reste dans la région. A Grande-Synthe, on trouve surtout des hommes très jeunes d’environ 20 ans. Kurdes et Afghans pour la plupart. 

Peux-tu nous parler du harcèlement que vivent quotidiennement les migrants ? Des déplacements qu’ils subissent pour éviter ce que les autorités appellent les « points de fixation » ?

Il y a quelques années, des assos avaient réussi à construire des installations en « dur » à Calais. À Dunkerque c’est totalement impossible. Toute tentative de construction serait éradiquée instantanément.

Cet harcèlement est politique, avec une violence psychologique totalement assumée par le pouvoir en place. Le déroulé est toujours le même.

Ils déclenchent l’expulsion à 7 heures du matin. Ensuite, la police « nettoie » le site jusqu’à midi (comme si il risquait d’être « insalubre » sans leur intervention…). Et à 13 heures, les migrants reviennent installer leur tente exactement au même endroit ! C’est une stratégie d’épuisement. Ils essaient de les dissuader de rester sur le site trop longtemps. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’ils n’ont aucune envie d’y rester. Il faut le voir pour comprendre. C’est une zone de transit vraiment « ghetto » ! Les migrants restent une à deux semaines au maximum… 

N’est-ce pas une grande opération de comm’ destinée à montrer au gouvernement britannique que la France utilise « bien » son argent ?

C’est certain. Au final, ces expulsions sont aussi là pour épuiser les associations comme les nôtres. Ce sont autant de nouvelles tentes et de couvertures à redistribuer à chaque fois. Cela va très loin ! Ils n’hésitent pas à nous mettre des PV sous prétexte que nos camions sont garés au bord de la route lors des distributions (alors qu’il avaient fermé le parking pour nous empêcher de les faire…). L’entraide que l’on construit, ils veulent la détruire. C’est aussi simple que cela. Pour en revenir à l’argent britannique, je pense qu’ils se font plaisir. Ils investissent dans du matériel haut de gamme, genre des quads pour aller dans les dunes et faire des soi-disant repérages…

Peux tu nous parler des hiérarchies entre réfugiés ? On nous a parlé de réseaux de business qui régulent aussi la vie du camp, ce qui paraît inévitable.

La première fois que nous sommes arrivés sur le site, deux membres d’asso expérimentés nous ont fait un petit brief. Ils nous ont dit quelque chose que je n’ai jamais perdu de vue: « n’oubliez pas de ne pas juger ». Car qu’aurions nous fait à leur place ? On sait que certains font du business sur le dos des autres, mais nous sommes dans un contexte de survie dans ce qu’il a de plus extrême. C’est un micro-village, avec ses propres règles. Vis à vis de cette situation, on essaie d’être dans la compréhension. Ils s’arrangent entre eux et c’est normal. Que ce soit pour les clopes, les cartes SIM… Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous les migrants ne sont pas tous inscrits au même degré de pauvreté. Certains ont budgétisé leur trajet. Tu peux les voir aller au Décathlon d’à côté pour acheter directement leur tente. 

Quel est le profil des gens qui composent Help 4 Dunkerque ?

Nous sommes issus du milieu alternatif et du milieu des squats, en majorité du sud-ouest et de Bretagne. Nous avons la trentaine. Il y a des français, des italiens, des polonais, des hollandais, des espagnols… Il y a pas mal d’intermittents du spectacle qui peuvent se libérer un peu de temps sur l’année.

Comment garder le même cap avec un turn-over aussi important ?

H4D, c’est un peu les pirates de Grande-Synthe ! Comment interagissez-vous avec les grosses assos subventionnées, plus « installées » ?

Le rapport humain reste le plus important. On pourrait parler d’Utopia 56 qui est une structure assez importante. On s’entend assez bien avec eux car les coordinateurs sur place sont très cools. On se consulte, on s’entraide. Au début, les autres assos se méfiaient un peu de nous (et nous aussi!). Au final, une fois sur le terrain les rapports changent. On est dans le même truc.

Peux-tu nous parler de votre soirée H4D du mois d’octobre ?

Oui ! Elle aura lieu dans le sud-ouest aux alentours de Cahors. Cet événement sert à nous donner de la visibilité et a récolter des dons. Mais avant toute chose, il nous donne beaucoup de force ! Je m’occupe principalement de l’entrée et de l’accueil du public. Et quel kiff d’accueillir 400 personnes sur une soirée que tu as construite de tes mains ! C’est aussi un moment où les membres de l’asso se retrouvent sur un moment plus festif. C’est très important de se retrouver dans ce contexte. Et puis… la fête c’est aussi notre identité 😉

Info de dernier minute !