Bayonnais d’origine, le batteur Jeremy Hayat a rejoint les rangs du légendaire combo londonien The Restarts en 2015. Il nous raconte ici une partie de leur récente tournée Indonésienne … sur une île déserte ! | Par Polka B.
Peux-tu remettre cette tournée dans son contexte ?
C’était ma première tournée avec The Restarts ! Il y a énormément de punk rockers en Asie du sud-est, particulièrement en Malaisie et en Indonésie. La première fois que j’en ai entendu parler c’était en 2011. L’histoire du concert de Banda Aceh avait vraiment marqué tout le monde. Les flics avaient coupé les cheveux du public, brûlé les t-shirts et les patchs au nom de la loi islamique. En réaction, de nombreux groupes ont manifesté devant les ambassades indonésiennes dans le monde entier, dont The Restarts. Il se trouve que les Indonésiens adorent le punk anglais, surtout les groupes de la seconde vague comme The Varukers et Discharge. Cela a vraiment facilité les choses On a rapidement fait la connaissance de Kunx (du groupe Krass Kepala de Bandung), qui organise le Libertad Festival chaque mois de janvier !
Ce fameux festival sur l’île déserte !
Exactement ! Mais je crois que le festival aura lieu ailleurs cette année. Ils ont aussi d’autres spots dans la montagne (j’ai même entendu dire qu’ils voulaient le faire sur un sous-marin désaffecté!).
Ce festival je ne l’oublierai jamais. Quand nous sommes arrivés avec le groupe à Jakarta, on a embarqué dans un gros bateau pour aller sur une autre île. De là, on nous a fait monter sur un plus petit bateau pour aller sur Poison Island, l’île en question ! Elle est vraiment minuscule. À peine 100 mètres de large sur 500 mètres de longueur… Le décor est vraiment paradisiaque. Ce qu’il est important de dire, c’est que le festival est gratuit pour le public… ce sont les groupes qui paient pour jouer ! En comptant les billets d’avion, cette tournée a été un gouffre financier. Dans l’esprit, cela n’a rien à voir avec une tournée européenne. Ce qu’il faut se dire, c’est qu’on se paie des vacances, sauf qu’on joue tous les soirs !
Comment se compose le public du festival ? As-tu vu une vraie interaction entre les locaux et étrangers ?
Je dirais qu’il y a entre 300 et 400 personnes… quasiment que des punks ! J’étais vraiment mort de trouille au départ. J’étais le petit nouveau, et je ne savais pas non plus comment les indonésiens allaient réagir avec mon statut de français qui débarque avec sa tune et son sac de voyage ! Eux vivent vraiment dans la galère au quotidien… je me demandais comment ce décalage allait être vécu. J’avais tort de m’inquiéter ! Ils étaient super ouverts et ravis de nous voir. Concernant les punk étrangers j’ai vu pas mal de russes, d’allemands et d’américains. Beaucoup d’australiens et de néo-zélandais aussi, qui ne sont pas très loin. Tout le monde était vraiment dans le même délire. Les punks indonésiens adorent la différence, je pense que c’est aussi pour ça qu’ils organisent ce festival. Ce sont les punks qui m’ont le plus marqué. Pour eux, le mode de vie DIY est une obligation. Vu comment cette culture est réprimée là-bas… cela ne peut qu’inspirer le respect ! Après, nous avons continué la tournée en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Amérique Latine. C’était vraiment cool mais je n’ai plus jamais ressenti l’intensité et l’urgence que dégageaient les punks du Libertad.
La scène punk DIY est-elle vraiment développée en Indonésie ? Ou s’agit t’il d’une micro-société ?
Difficile à dire. Cela dit, j’ai parlé avec pas mal de jeunes à Jakarta qui me disaient que dans leur classe, plus de la moitié des élèves portaient une crête ! Le punk-rock leur parle, et le look est très important à leurs yeux.
Comment s’est passé votre concert ?
Tout le monde était à fond. Le moindre riff agressif et c’est parti ! C’est aussi un public de connaisseur, qui connait très bien les chansons. Pour tout dire, certains locaux connaissaient largement plus de groupes de punk anglais que moi ! Juste après nous, il y avait les américains de Millions of Dead Cops, un groupe vraiment old school. Bien sûr, le live n’est plus aussi énergique qu’à l’époque, mais les indonésiens étaient tellement attachés à leur statut de légende des années 80 qu’ils ont dansé comme des possédés !
As-tu assisté aux Alcoholympics organisés sur l’île ?
Carrément ! Ils ont importé le concept américain des beer olympics. Ils boivent principalement de la bière et d’autres trucs plus costauds comme le Pondoh. C’est très fort (et pas très bon!). Là encore, les jeux d’alcool n’ont pas du tout la même signification que chez nous. C’est interdit et très mal vu. Ils se fournissent dans des endroits cachés. Je n’ai pas non plus vu de drogue sur l’île. Je me souviens qu’un malaisien avait ramené un peu de weed mais c’est tout.
Un petit conseil culinaire ?
« Gado gado » ! Ce sont les légumes ! Robin (guitariste de The Restarts, NDLR) veut se le faire tatouer sur les doigts d’ailleurs. Le sujet a provoqué bien des discussions, et pas mal de fous rires ! Le fait d’être végétarien n’est pas du tout compris par les indonésiens. Pourquoi se nourrir exclusivement d’accompagnements ? Un repas sans viande ou sans poisson, c’est juste inimaginable chez eux.
Un dernier mot ?
Si vous avez l’occasion d’y aller foncez ! Le Libertad Festival est de loin mon meilleur souvenir de concert !