Interview Burning Lady

Burning Lady

Véritables marathoniens du punk-rock, les lillois de Burning Lady écument les squats et les scènes alternatives européennes depuis 2008 ! L’équipe de Karton ne pouvait pas manquer leur unique date de l’année à Dijon lors du festival Maloka. On ne boude pas notre plaisir… le groupe se faisant très rare en interview ! | Propos recueillis par Polka.B

Comment s’est formé le groupe ? Aviez-vous l’ambition de faire autant de concerts à vos débuts ?

Alex : On voulait surtout faire des concerts et s’amuser ensemble !

Sophie : Je ne sais pas si on avait l’ambition de faire « autant », si ?

Alex : En tout cas  on voulait en faire le plus possible, à l’image des groupes qu’on aimait quand on avait 20 ans. On avait déjà joué avec d’autres formations, mais comme le projet a commencé à un peu marcher, on a continué ! Ça fait 11 ans maintenant.

Ripoll : Tu avais un groupe avec l’ancien guitariste aussi.

Alex : Oui, Working Frog ! Et Sophie intervenait au chant.

Sophie : Je je faisais aussi quelques interventions dans Boulbala and the boulet family, un groupe de ska-punk. J’étais encore toute gamine à l’époque !

Au niveau de l’ identité musicale, vos morceaux alternent entre punk abrasif et parties plus mélodiques. Vous êtes d’accord avec cette définition ?

Alex : Au début, on était partis sur quelque chose de plus soft. Une trame assez rock’n’roll. Quand nous avons accueilli Ripoll et Mulder, le son a évolué. Il est devenu plus incisif. Cela tombait bien, car nous avions pas mal d’influences en commun. Avec les anciens membres nous faisions beaucoup plus de compromis au niveau musical.

Ripoll : Je suis rentré dans le punk rock par la porte NOFX et Pennywise quand j’avais 11 ans. Je pense que ça joue. Le côté abrasif vient de là, et en même temps la plupart de leurs morceaux sont très mélodiques. Cela dit, les accords de base de Burning Lady étaient axés rock’n’roll et blues. Ça a un peu changé quand je suis arrivé en 2011, et encore plus avec Mulder à la guitare en 2012.

Mulder : Les morceaux du premier album avaient été composés aux deux tiers par le line-up d’origine. Je pense que ça s’entend (Until The Walls Fall, sorti en 2013, NDLR). L’objectif, c’était de produire quelque chose de cohérent en intégrant tout ça sur le même disque.

Ripoll : On l’a rendu plus cohérent avec ce côté abrasif. Pour moi, le tempo des « anciens » morceaux devait être accéléré. Au début ils trouvaient ça trop rapide… maintenant ils savent que c’est comme ça qu’il faut les jouer ! (Rires)

On vous colle souvent l’étiquette « street punk ». Pourtant vous avez joué avec des groupes de tous horizons. Était-ce une volonté de s’ouvrir et de ne pas se restreindre à une esthétique musicale ?

Alex : On ne voulait pas se fermer, c’est vrai. Mais en même temps, on a eu la chance d’être appréciés par différentes scènes. On a pu partager la scène avec des groupes de musiques actuelles au sens large, notamment dans les festivals. C’est enrichissant !Ça nous a évité d’être cloisonnés dans un seul milieu.

Ripoll : Les festivals autour de chez nous nous invitaient régulièrement. Tu te retrouves entre Danakil et Lofofora ! C’est un peu le bordel, mais comme ils veulent un peu de punk rock… Au final c’est plutôt cool ! Ça marche !

Vous étiez très appréciés par les programmateurs, mais vous êtes toujours restés dans une logique DIY. Était-ce une volonté délibérée de ne pas se professionnaliser ?

Mulder : On était quand même très curieux de découvrir ce qui pouvait se faire au sein de la scène alternative. Au bout d’un moment, jouer uniquement sur les grandes scènes… ça peut vraiment devenir ennuyeux. Pourtant des SMAC* (*grandes salles équipées et subventionnées par l’État, NDLR) … on en a fait !

Alex : Personnellement, je m’y sens moins à ma place. Les trucs assez « pros », c’est moins notre truc. On a pas vraiment cherché à se développer dans ce sens. Quand on nous le proposait, on y allait. Mais ça s’arrêtait là.

Ripoll : On a refusé certains plans car cela nous baissait notre RSA aussi !

Alex : Dans ce genre de contexte,les organisateurs veulent te cachetonner. Et au final, avec les taxes, tu récupères à peine la moitié de ce qu’ils mettent pour te faire jouer ! On n’avait pas du tout la prétention de devenir intermittents du spectacle… Et de toute façon, nous n’aurions jamais pu le faire ! Ça n’avait pas de sens pour nous.

Ripoll : Tout ce qu’on a pu économiser à toujours servi au groupe.

L’éthique DIY c’est le choix de la liberté. Mais cela occasionne aussi beaucoup de galères ! Qu’est ce qui vous a fait tenir pendant toutes ces années ?

Ripoll : Pour nous, le choix du DIY était évident. La balance pèse à 99 % pour le pour ! Je suis là depuis 8 ans. Quand je repense aux galères ça me faire rire ! C’est moins marrant sur le coup, mais avec le recul ça reste fun. On a découvert des lieux incroyables, des pays qu’on aurait jamais visité… Aujourd’hui je retourne régulièrement dans certains lieux pour revoir des gens. Ça n’a pas de prix. Les galères c’est rien du tout ! Quand tu te déplaces avec tes potes et tes instruments pour jouer de la musique, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Mais dès le lendemain, tu passes vite à autre chose.

Alex : Au pire tu n’es pas très bien accueilli, le matos est merdique, ça sonne comme de la merde… Des dates comme ça, il y en aura grand maximum une ou deux sur la tournée.

Mulder : Et puis, qu’est-ce qu’on s’est marré dans le camion… c’est aussi ça qui a fait qu’on a continué pendant toutes ces années.

Sophie : Les trajets, on les aimait, c’est clair ! À partir du moment où on était tous les quatre dans la même galère… On était heureux !

Alex : Tant mieux, car certaines années il arrivait qu’on fasse 80 concerts. Pendant ce temps-là, tu mets un peu ta vie de côté.

Ripoll : Les dates, c’est simple, il faut juste les faire. « On nous demande à tel endroit, à telle date. On y va ? » Si personne ne le fait, rien ne se fera jamais. Il y a toujours une bonne raison pour ne pas aller quelque part. On aurait eu de sacrés regrets…

Est-il possible de s’investir autant en jouant dans plusieurs groupes à la fois ?

Ripoll : Non, c’est très difficile ! Pour ma part, c’est ça que j’ai le plus mis de côté. J’aurais pu avoir d’autres projets, mais ce n’était pas possible. Pendant longtemps j’étais pion, cela m’a sauvé ! J’avais mes week-ends et les vacances scolaires, et parfois je grattais un petit vendredi ! C’était parfait pour partir un jeudi en fin d’après-midi et revenir le dimanche soir. Pour en revenir à ta question, il arrive que certains de tes projets musicaux prennent le pas sur d’autres, et c’est normal. Tu sens que tout est plus facile. Tu es de mieux en mieux reçu, demandé, et tu prend du plaisir du scène. La base, c’est de s’apprécier au sein du groupe, et d’aimer ce qu’on joue… C’est bizarre, on dirait qu’on fait le bilan… Pourtant on joue ce soir ! (Rires)

Sophie : C’est marrant car on avait jamais vraiment fait le bilan entre nous justement  ! (Rires)

Ce soir, vous jouez pour votre seule date de 2019. La vie ne vous a t’elle pas tout de même un peu rattrapé ?

Sophie : Si bien sûr…

Ripoll : Il y en a qui sont devenus parents, d’autres sont partis sur d’autres projets, certains ont développé d’autres passions au fil du temps, qui sont devenus des projets de vie… On s’est dit qu’il fallait continuer à pêcher des dates. On s’est un temps appuyé sur un tourneur en Allemagne, puis on s’est aperçus qu’on n’avait plus besoin de lui. Le fait d’avoir moins de concerts, ça nous allait très bien finalement !

Mulder : Il y a ça, et les dernières tournées avaient été éprouvantes aussi.

Ripoll : On a énormément joué suite à la sortie du second album. Les périodes étaient très condensées. On enchaînait des périodes de deux à trois semaines de tournée, pour à peine deux jours à la maison.

Sophie : C’était dur mais on se faisait plaisir !

Ripoll : On l’a choisi c’est clair. Cela ne nous a pas fait arrêter, on a juste changé de rythme. Le groupe a ralenti, mais quand on nous propose une date et que ce sont des amis qui organisent, on ne peut pas refuser ! On est tous un peu éparpillés géographiquement, mais c’est toujours un plaisir de se retrouver.

Vous avez le projet de faire un nouvel album ?

Ripoll : Tout dépend de ce qu’on entend par projet. Il y a deux parties. Pour l’instant ce serait plus un « pro- ».  C’est plus court. (Rires)

Mulder : En même temps tout est possible ! Disons qu’aujourd’hui ce n’est pas d’actualité.

L’identité du groupe est assez portée sur le chant féminin (nom du groupe, visuel…). Au seins du milieu alternatif, avez-vous déjà souffert de comportements misogynes ?

Sophie : Jamais ! Avec l’alcool il y a toujours des relous mais bon… Tout le monde a été très respectueux. Pour être honnête, je ne me suis jamais sentie victime de ça. Et si jamais ça devait arriver, je sais me défendre. J’ai des bons copains aussi.

Alex : Les acteurs du milieu ont toujours été niquels. À la limite quelques mecs du public en fin de soirée, mais rien de bien méchant.

Sophie : On les remballe est c’est terminé.

Ripoll : Je ne voudrais pas parler à la place des femmes, mais le truc le plus misogyne qui nous a collé à la peau c’est qu’on nous décrive en tant que « female street punk from France »sur les affiches.  Est-ce juste un désir de décrire la musique ? Du street punk femelle, littéralement ? Ou est-ce le fait de dire que c’est une nana au chant ? Pour ramener plus de monde au concert ? Ce truc là, ce n’est pas si grave. Mais c’est bizarre. Au bout d’un moment on a demandé à notre contact en Allemagne de ne plus le marquer sur les affiches.

Alex : Pour les derniers concerts que l’on a nous-mêmes organisés, on a juste mis « punk rock ». C’est ce qui nous représente le mieux.

Quels sont les bons souvenirs qui vous reviennent le plus clairement en mémoire après tous ces concerts ?

Ripoll : Un matin je me lève, et la nana avec qui j’étais à l’époque m’apprend que je joue en première partie de Pennywise à Paris. J’ai longtemps vécu en Nouvelle-Calédonie, j’adorais le punk rock, et pour moi c’était juste impossible ! Je ne m’imaginais même pas les voir en concert un jour !

Le second truc c’est un coup de cœur pour Erfurt en Allemagne. J’ai rencontré beaucoup de gens là-bas. C’est comme ça que je suis devenu papa. Jamais je n’aurais pu connaître ça sans le groupe. Quand on a commencé à tourner dans ce pays, j’ai très vite adoré. Ils mettent tellement de moyens pour accueillir des groupes en tournée… C’est assez incroyable. Qui a envie d’aller jouer dans une SMAC toute froide avec des groupes pourris qui vont tout de même parvenir à remplir la salle ? Il y a un tas de salles plus petites qui s’organisent mieux, avec un état d’esprit à la cool. Faire tout ça de manière autogérée c’est magnifique, surtout quand le public est là pour soutenir.

Alex : Un peu avant la création du groupe j’ai vécu en Espagne. Ça m’a fait quelque chose d’y retourner pour y jouer ! L’ambiance, la langue… J’ai trouvé la scène très bien et plutôt active, de la Catalogne au Pays Basque.

Mulder : Moi c’était un concert avec Inner Terrestrials. Ça m’a fait trop plaisir de partager l’affiche avec eux. Adolescents, on a beaucoup écouté leur musique. On avait même fondé un groupe ska-dub en s’inspirant de leurs morceaux. Il y en a eu plein d’autres, mais ça c’était vraiment quelque chose.

Et toi Sophie, c’était ce fameux concert à six heures du matin ?

Alex : Ah ouais. Celui où on a commencé la nuit pour finir le jour, en plein air près d’Alès ?

Sophie : Laisse tomber le truc de fou ! (Rires) Au final c’était pas si mal…

Ripoll : En plus on avait la rage, car on s’était un peu pris la tête avec le groupe qui jouait avant. C’était pendant le changement de plateau, ils ont eu des propos un peu rentre-dedans. C’était inapproprié. Sans fondement. On devait jouer à 23h, et il était 6h du mat’, tu peux imaginer qu’on était un peu tendus ! On a pas répondu mais ça nous a mis une petite hargne. Du coup… le concert était plutôt cool.

Alex : Le groupe d’avant avait joué quasiment deux heures, sans compter les balances ! À tel point que les gens s’étaient barrés. On se disait qu’on attendait pour rien. Quand on est montés sur scène, ils étaient déjà tous retournés dans leurs camions. Quand on a commencé, ils ont commencé à revenir.

Ripoll : Au bout d’un quart d’heure ils étaient de nouveau là, totalement en forme et…

Alex :  Éveillés !(Rires)

Ripoll : Le festoche portait bien son nom. Un truc genre « Destroy the fest »… parfait !

Qu’est ce que cette vie de tournée vous a le plus apporté personnellement ?

Mulder : Je dirais la confiance en soi. Le fait de monter sur scène, ce n’est pas innocent. Une certaine expérience aussi.  A force de rencontrer des organisateurs, on a pu monter nos propres événements à la maison. Quand on a fêté nos 10 ans l’an passé, on a pu faire un truc bien ! On a pu réunir des potes qui nous ont accompagné en tournée. C’était génial.

Ripoll : Les rencontres ! Les gens, les groupes… Faire des concerts ça t’apprend à jouer aussi. C’est de l’endurance, tu ne peux pas tricher. On s’est tous améliorés. Ça, tu ne t’en rends pas compte sur le coup.

Alex : Le réseau ! En France et en Europe. À une période je partais souvent en vacances en stop. Si la nuit tombait, il y avait forcément une ville dans le coin où on était passés avec Burning. J’avais encore les contacts ! Il me suffisait d’appeler pour savoir si je pouvais dormir chez les gens.

Avez-vous des recommandations musicales pour les gens qui nous lisent ?

Ripoll : Wonk Unit ! Génial. On les a déjà croisés en Angleterre. Des extraterrestres dans le punk rock. Ils en sont à sept albums. Ça tourne beaucoup ! Niveau inspi cela va de The Adolescents à certains trucs plus punk anglais, comme Hard Skin. On les a fait venir à Lille deux fois et c’était énorme.

Sophie : Carrément ! Perso, j’ai découvert Mon Dragon il y a 4 ans. J’ai pris une bonne grosse claque dans la gueule ! Super groupe.

Alex : Là je pense à The Baboon Show, des suédois avec une fille qui chante. On ne connaissait pas du tout, on les a croisés par hasard en festival et c’était top. On est restés scotchés devant la scène… Les Criminal Mind de Bristol aussi !