La Bande à Kaader… au Hardzazat Hardcore Fest

Réunis à Béziers autour de Ratboy et Mumu, les groupes La Meute, Tados, Solidagité et La Bande à Kaader ont répété dans le même local. Ils ont aussi beaucoup voyagé ensemble ! Comme la BAK a donné son ultime concert le 13/12 dernier, on s’est dit que c’était le bon moment de leur rappeler leur trip au Hardzazat Fest en 2017 ! Rencontre avec Gaab et Baastien pour en discuter à Montpellier autour d’une verre !

En 3e page, nous laisserons la parole aux membres du Hardzazat crew, qui présenteront eux-mêmes leur événement. | Propos recueillis par Polka B.

Comment avez-vous eu l’opportunité de vous rendre au Hardzazat Festival ?

Disons que notre chanteuse Mumu a un réseau assez développé ! Cela a commencé par une rencontre avec Aimane, un des piliers du Hardzazat. On a vu qu’il y avait des scènes de support en région parisienne pour que des groupes français puissent venir jouer au festival. De notre côté, on a décidé de financer le voyage nous-mêmes car on était très motivés pour le faire. En mode low-cost, et c’était parti !

Vous n’êtes partis qu’avec La Bande à Kaader ?

Notre bande est un peu spéciale, à l’époque c’était une caravane qui comprenait plus ou moins  3 groupes : Tados, Solidagité et La Bande à Kaader ! Nous sommes liés depuis pas mal de temps. D’ailleurs, nous jouons tous les deux dans le groupe Solidagité. Pour ce voyage au Maroc, nous étions aussi accompagnés par le collectif biterrois Kamera Krew.

Comment s’est passé votre arrivée ?

On est partis de Barcelone pour atterrir à l’aéroport de Marrakech. Arrivés à la Fac de Ouarzazate, les gens de l’orga étaient super motivés, ça faisait plaisir. Il y avait des projections, du graffiti, des groupes de rap, de techno, de punk et de métal. Le seul problème, c’est que le roi Mohammed VI devait venir le même week-end pour inaugurer un complexe hôtelier. Faire la fête dans ce contexte comme si de rien n’était, c’était impossible. Du coup, le festival a dû délocaliser tous les concerts au dernier moment ! 

Comment l’orga a-t-elle géré cet imprévu ?

Deux des quatre soirs de concerts ont été annulés. Tous les groupes ont été condensés le samedi et le dimanche. Après deux jours d’expos et de projections, on est partis dans des bus pour rejoindre le nouveau lieu du concert. Tous ensemble, public compris ! On est arrivés dans une auberge qui n’était pas du tout prévue pour ça à la base. En mode restaurant – salon marocain. L’endroit où tu ne t’attend pas du tout à y installer une batterie ! Accrochée au mur, il avait une photo de Depardieu habillé en Obélix qui posait avec le patron ! Autour, le paysage était vraiment impressionnant. En fait, beaucoup de studios de cinéma tournent là-bas toute l’année. Si tu es cinéphile, tu prends ta claque direct ! L’endroit était au pied de la Kasbah de Tifoultoute, une sorte d’éperon en terre rouge qui domine toute la vallée.

Qu’est-ce qui vous marqué chez le public local ?

On sentait qu’il y avait une grande attente chez eux, surtout chez les plus jeunes. Malheureusement, ils ne sont pas habitués à voir des concerts aussi souvent que nous. Il leur fallait leur dose de punk-rock ! Le gens du Hardzazat se donnent beaucoup de mal pour organiser leur festival, et quand tu vois ce genre de réactions tu en comprends directement le sens. C’était intense, car on se retrouvait à plus d’une vingtaine de groupes en à peine deux jours ! L’énergie était folle. 

Il y avait d’autres groupes occidentaux ?

Oui, il y avait Culture Lutte, Nausea Bomb et Bow !

Hormis le festival, vous une anecdote sur notre escapade à nous raconter ?

C’est un peu naze, mais un jour dans une petite boutique, un mec nous alpague et nous dit : « Attention, vous êtes dans le magasin de Morgan Freeman ». Du coup, on se met à discuter avec lui sur le ton de la blague. D’un coup, on se retourne, et on tombe nez à nez avec qui ? Morgan Freeman !! Son sosie est marocain, maintenant vous êtes au courant.

Et pour parler un peu de vous : la Bande à Kaader, pourquoi c’est fini ?

On n’avait plus la même dynamique, les mêmes projets… On voulait passer à autre chose. On va quand même sortir quelque chose sous peu, car il nous restait quelques chansons à enregistrer ! Au début du groupe, on voulait mixer du punk à des influences oi! des années 80… Je crois qu’on n’a jamais réussi. (Rires) Est-ce qu’on a seulement essayé ? En mixant plusieurs influences on a fait du street-punk un peu hybride. En tout cas c’était speed, agressif, simple et efficace, comme on aime !

Qu’avez-vous retiré de ce voyage au Maroc ?

Notre passage a été assez rapide, mais comme les deux premiers jours de concerts avaient été annulés, on a davantage pris le temps de se poser lors des projections. Ça plantait le décor ! Ces documentaires nous ont fait du bien, car ils nous ont permis de voir les sacrifices qu’il faut faire pour faire de la musique alternative quand on est de nationalité marocaine (voir p.46). Après, tu ne vois plus les choses pareil. Être engagé n’a pas le même sens. Ils ont beaucoup plus de mérite, respect à eux. Faire du punk en France ce n’est pas facile tous les jours, mais c’est quand même agréable car on ne risque rien ! 


Communiqué : HARDZAZAT FESTIVAL

Ouarzazate est l’une des villes les plus touristiques du Maroc, mondialement connue pour sa culture cinématographique. Reposant essentiellement sur l’industrie des studios de cinéma professionnels alimentés par des investissement étrangers (comme Hollywood), la population locale et les jeunes ne participent pas vraiment au développement de cette culture.

Formé par des étudiants issus des collèges de Ouarzazat et de la jeunesse locale, le groupe Hardzazat relève le challenge de créer un projet alternatif et véritablement DIY (do it yourself). Cette expérience culturelle est éprouvée chaque année lors du « Hardzazat Hardcore Fest ».

Les activités proposées se déclinent entre : l’invitation de groupes musicaux underground venus des quatre coins du monde et qui partagent les même idéaux d’indépendance, de débats où le public du festival peut évoquer plusieurs sujets (le capitalisme, le genre, l’autonomie…), de projections de documentaires suivis de débats avec les différents réalisateurs, et d’exhibitions de graffiti.

Le festival est aussi un temps de « vacances collectives », voué à émanciper le public autour du rassemblement des minorités libertaires marocaines. Cet événement autonome et autogéré repose sur des liens très forts entretenus par la population locale au quotidien.

L’idée principale est de créer un espace affranchi de la culture dominante où les différentes formes de violence comme le sexisme, l’homophobie et toutes autres formes de discriminations ne sont pas tolérées, et où l’ensemble des participants sont considérés de façon équitable.

L’événement est gratuit et ouvert à tous, du moment que les valeurs du Hardzazat Hardcore Fest sont respectées. L’activité du festival demeure non-commerciale, respectueuse de la nature et ne saurait se soumettre au sponsoring des grandes entreprises. Hardzazat est contre la publicité et la mise en œuvre de partenariats commerciaux et médiatiques.

Festival antifa et décolonial

À l’ère d’une économie globalisée revendiquée par les grands régimes, le festival s’oppose à cette


politique contemporaine de domination en créant un espace de liberté où les personnes peuvent échanger autour de leurs diverses expériences de lutte pour l’autonomie, leur refus de l’assujettissement aux États et à l’économie de marché, ainsi qu’aux traditionnels jeux de pouvoir.

Le Hardzazat Hardcore Fest adopte des concepts décoloniaux, mobilisés par des personnes racisées subissant un racisme systémique.

Voilà l’occasion de regrouper des personnes issues des « pays du sud », de parler du racisme, et de s’organiser localement autour d’événements réguliers. Le sujet de la décolonisation englobe beaucoup de combats politiques chers au festival. Il permet aussi de combattre le racisme, le sexisme, et l’homophobie, tout en structurant l’idée d’un mouvement révolutionnaire autonome.