DIO MIDEN DIO MIDEN (2x2x) – Interview

DIO MIDEN DIO MIDEN (2x2x)

Interview

Conversation avec l’un de nos groupes préférés : 2020/2x2x (KK, Hrwas, Incognito m., Jaul) après la sortie de leur nouvel album : Straight Outta Dystopia, qui sera également disponible sur clé USB.

Paul et moi avons cheminé ensemble depuis la sortie de leur premier morceau, lorsque j’ai couru pour partager avec lui « un nouveau morceau de rap grec que tu vas certainement surkiffer « , jusqu’à ses grands yeux excités à chaque nouveau beat et choreo.

Aujourd’hui, chaque fois que nous nous retrouvons chez quelqu’un ou dans le fameux camion, en Grèce ou en France, à Colomiers ou à Karditsa, un morceau de 2020 joue de facto entre nous. C’est un groupe que nous avons beaucoup aimé, chacun pour des raisons et des perspectives différentes.

En les connaissant personnellement, nous avons encore plus apprécié leur musique et nous avons hâte de chanter à nouveau ensemble leurs paroles – avec ou sans accent français.

Polka B & Alkistis / Photos : John Mak

Comment est né le groupe ?
Vous y pensiez depuis le début ? 

Hrwas/ Spyros: Nous n’y avons pas pensé du tout, nous avons juste écrit le premier morceau sans discuter de quoi que ce soit.

KK / Kostas: J’y avais pensé !

Incognito m./Christos: L’idée originale était un projet plus large de notre groupe d’amis.

C’est-à-dire impliquer plusieurs individus, un groupe de dix personnes dans chaque morceau. À l’époque, c’est ce que nous faisions. On se réunissait dans le studio et on traînait jusqu’au soir. On écrivrait et c’est ainsi que le groupe s’est formé.

Kostas : Un soir, Spyros a apporté son beat “Patission Benaki Arachovis” et nous l’avons tous beaucoup aimé. On s’ est dit est ce qu’on écrit des paroles pour ce beat ? Et on l’ a fait. 

Vos précédents morceaux en solo étaient plus orientés vers le boom-bap. Ce style vous a-t-il ennuyé ? Vers quoi s’oriente le style du groupe aujourd’hui ?

Spyros: Nous aimons toujours ça et nous écoutons toujours du boom-bap. Les premiers beats que j’ai fait pour le groupe étaient d’une esthétique plus contemporaine parce que j’avais commencé à écouter des choses différentes. Les trois premiers étaient plutôt communs, puis ils ont suivi leur propre voie…

Lorsque nous avons décidé de faire quelque chose ensemble, c’était une décision unanime d’adopter un certain style avec une certaine atmosphère.

Kostas : C’était quelque chose de différent pour chacun d’entre nous. Chacun apporte ses propres éléments. Par exemple, j’aime beaucoup les éléments orientaux, mais en même temps, j’ai commencé à m’adapter à un style plus contemporain.

Il peut y avoir des beats très similaires et d’autres qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Mais je pense que nous savons quel style convient au groupe, il y a des choses différentes entre nous, mais au final il y a une cohérence, surtout au dans le deuxième album.

Christos : Je ne sais pas si c’est un genre à part entière, parce qu’il y a des éléments qui viennent du hip hop et puis c’est notre propre son, un peu « new school ». C’était le juste milieu pour nous tous, car chacun avait son propre style, qui n’était pas très proche de celui du groupe. Nos précédents morceaux en solo étaient complètement différents les uns des autres.

Jaul/Ioulios: Oui, cette esthétique est apparue avec le groupe. Tout le reste du temps (surtout le reste des gars qui sont des dinosaures) rappaient dans un style beaucoup plus boom bap!

Spyros : Et le refrain- le chœur est notre élément maintenant, depuis que nous avons le rossignol du DIY (aka KK). Tous les éléments sont très collectifs. Nous nous entendons très bien au niveau artistique et musical. Une formidable alchimie s’est formée.

Christos : Nous tendons à devenir la même personne musicalement. Nous convergeons lentement vers le son du groupe.

Spyros : Transformers dans le megazord !

Quel est le morceau que vous écoutez le plus en ce moment ? 

Kostas : J’écoute beaucoup Simadi. J’aime les raps sombres. Bien sûr, Nionios a un peu de tout, il est très fort.

Christos : Je suis toujours en train d’écraser le disque de J. Cole.

Spyros : J’écoute beaucoup mount everest et ta zygia mas (Grut x Unwound).

Ioulios : J’écoute On the Map (Mick Jenkins x Badbadnotgood) et depuis un an, j’écoute beaucoup Lamda, un groupe grec qui combine des éléments traditionnels, synthwave, post et rock et qui a réussi un mélange extrême. J’ai assisté à l’un de leurs concerts et j’ai été impressionné, ils sont très dévoués et très forts.

Quels sont les titres du premier et du deuxième album auxquels vous êtes le plus attachés ?

*Les réponses ont été obtenues à la suite de pression et négociation.

Christos : Je dirais Nyxterides ! À la fois parce que je l’aime en tant que chanson et parce qu’il s’est passé tellement de choses à cette époque que nous avons capturées dans cette chanson… Chaque fois que je l’écoute, je me souviens de cette époque. 

Spyros : Du nouvel album, je dirais Topia et Cowabunga. De l’album précédent, Barco Pirata. 


Kostas : Moi aussi ! Sauf que je l’aime vraiment en tant que chanson : la musique, le rythme, les paroles, le sentiment qu’elle me laisse… Je pense que si je faisais de la musique en solo, ce serait très proche de ce style. “Topia ».
– Paul: Moi aussi ! Et Maracana.
– Alkistis: Je dirais Nyxterides et Convoy.


Jaul : Je ne peux pas répondre. Aucun ne prévaut plus que l’autre. *Après un peu plus de pression* : Nyxterides, Kolosssaio et Maracana ! Et du nouvel album Cowabunga.

Comment définiriez-vous l’univers de vos paroles ? Vouliez-vous dépeindre la paranoïa du confinement (et de la période post covid) ? Le contrôle que l’État exerce sur nos vies ? Quels autres thèmes vous inspirent ?

Jaul : Le confinement n’était pas un objectif en soi. C’est juste ce qui prenait le plus de place dans nos têtes à ce moment-là. En général, nous voulons aborder les choses qui se passent. 

Hrwas : C’est aussi inévitable parce que ces choses nous concernent en tant que personnes. Nous discutons beaucoup de l’actualité politique de toute façon, donc cela se ressent dans les morceaux.

Incognito m. : Le premier album s’appelle Metakinisi 6 (Le code du message que nous devions envoyer afin de sortir pendant le confinement) et, en effet, de nombreux morceaux comportent cet élément, car c’est ce que nous vivions à l’époque. Mais vers la fin de l’album, il n’y a plus beaucoup de références à cet élément. En général, l' »univers des paroles » évolue sur le plan politique, social et expérientiel.

Le dernier album ne contient pas autant d’éléments actuels, mais il contient aussi des éléments plus intimes.

2X2X est un groupe de rap grec. Outre le pays, il représente également une ville. Avez-vous une relation d’amour-haine avec Athènes ? Comment la décririez-vous à quelqu’un qui ne la connaît pas ?

Ioulios : Je pense que nous partageons dans une certaine mesure nos sentiments à son égard, car nous n’avons pas grandi ici. Pour moi, c’est une ville très charmante. C’est une métropole. 

Christos : Je l’aime aussi beaucoup en tant que ville. Les aspects négatifs sont principalement liés au fait que nous sommes en Grèce, que nous ne pouvons pas avoir un emploi décent et que nous sommes sous pression.
Mais si on veut faire quelque chose, de la musique punk par exemple, et qu’on vient à Athènes, on rencontre 100 autres personnes comme nous. On est stimulé et on peut développer ce que l’on veut faire. C’est la répartition de la population qui est en cause. Athènes compte 6 millions d’habitants et le reste de la Grèce en compte autant.

Spyros : C’est l’obscurité ! Mais une obscurité créative.

En ce qui concerne l’aspect artistique et créatif, la ville est très stimulante. Elle est très nourrissante. Elle a un grand potentiel, c’est vraiment comme un cardiogramme, tout est à son maximum. Ce que j’aime, en tant que personne qui n’a pas grandi ici, c’est qu’ on voit le réalisme pur. On voit tout et ça nous fait comprendre beaucoup de choses sur le plan politique et social. Sur tout. Je conseillerais vraiment à quelqu’un qui n’est jamais venu ici d’essayer. Il est très probable qu’il/elle flippe, mais cela vaut la peine d’essayer. 

Kostas : Ici. Flippons tous ensemble.

La scène rap grecque est plus excitante que jamais, surtout après le Covid, nous avons vu un énorme intérêt… Comment voyez-vous la scène rap DIY aujourd’hui ? 

Ioulios : Je ne sais pas si c’est lié au Covid ou à l’augmentation de la popularité du rap en Grèce. Il y a toujours eu un amour et le rap a toujours été au premier plan, mais c’est au cours des 5-6 dernières années que nous avons vu les morceaux des artistes du mouvement obtenir autant de vues. C’est aussi une question de conscience sociale. D’une certaine manière, les gens ont commencé à apprécier davantage les paroles politiques. Avant, il n’y avait pas de morceau DIY avec 500.000 vues. Je dirais aussi que la montée en puissance des concerts s’est produite au cours des cinq dernières années.

Si quelqu’un me demandait ce que j’aimerais le plus, je dirais que le rap devrait être entrelacé avec l’analyse sociopolitique, qu’il ne devrait pas être divisé en rap politique et rap non politique. Il s’agit avant tout d’un genre musical lié au vécu, du coup cela nous donne l’ espoir qu’il gagne en popularité. 

Christos: C’est un peu un phénomène post-covidique. Avant, il n’y avait pas de concerts diy avec 5 à 6 milles personnes. Et c’est un cas particulier du pays lui-même. De nos jours, les numéros de vues du rap sont folles proportionnellement à la population du pays.

Cela a donc plus à voir avec cela qu’avec le fait que le mouvement a fait un travail formidable et qu’il est récompensé. D’un autre côté, il est évident que cela a joué un rôle car l’organisation est bien meilleure aujourd’hui et le son est de bien meilleure qualité. Je dirais donc que le mouvement a su faire face aux circonstances.

Spyros : Le fait que certaines organisations aient pris la question très au sérieux ces dernières années joue également un rôle.

Lorsque l’on veut créer une anti-culture, il faut rivaliser avec la culture commerciale et le courant dominant. 

Ioulios : C’est certainement nécessaire, mais je ne sais pas si la raison est de concurrencer l’industrie. Pour moi, il s’agit plutôt de déconstruire l’idée que le DIY est quelque chose de vague et de « cheap ».

Il est important que ces événements n’aient rien à envier aux commerciaux en termes de qualité, d’organisation et de bon son. Et maintenant, certains événements y sont parvenus.

Kostas : Et déconstruire la croyance selon laquelle on ne peut pas créer ce que l’on veut si l’on n’a pas d’argent. Parce que c’est possible, et dans de meilleures conditions.

Christos: Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles il faut être bien organisé. Il y a une question pratique : les concerts sont destinés à soutenir financièrement une cause, donc si l’organisation est bonne, l’argent est assuré pour cette cause.

En même temps, le collectif construit un historique de bons concerts dans la conscience des gens et les amènera aux prochains.

Avant tout, c’est un projet politique. L’auto-organisation est une image en miniature de l’avenir que nous imaginons. Elle doit être une image attractive pour attirer les gens et les convaincre que cela peut réellement fonctionner.

Cependant, au-delà de l’attrait du rap, la réalisation d’événements auto-organisés à Athènes devient une mission de plus en plus difficile. Quelle est votre opinion ou votre prédiction ? Allons-nous devenir comme l’Europe ?

Spyros : C’est le pari du mouvement. Je ne suis pas de l’avis « tout ou rien » – si cela ne peut pas se faire à nos conditions, il ne faut pas le faire du tout. S’ils ne nous laissent rien, nous trouverons la solution suivante. S’il s’agit de devenir l’Europe et de louer un espace pour se réunir collectivement et faire des concerts, nous le ferons.

Kostas : Pour moi, cela ressemble à une énorme défaite. 

Spyros : C’est une défaite, mais c’est mieux que de ne rien faire.

Christos : À chaque époque, l’État définit ces choses. Comment le gouvernement de chaque pays gère la situation : avec tolérance ou avec sévérité. Cela dépend de l’époque, de la situation, de la force du mouvement. Notre pays est en transition, ce qui se reflète également dans le mouvement. Aujourd’hui (et en raison de la montée en puissance des événements du mouvement que nous avons mentionnés), le gouvernement a commencé à les combattre fermement et méthodiquement.

Les espaces sont considérablement réduits et il est clair que c’est vers cela que nous nous dirigeons. Tout cela va dans le sens d’une Europe néolibérale sous une couverture progressiste. 

Spyros : Il y a aussi la tactique gouvernementale de laisser quelque chose comme une soupape de décompression. Ils laissent quelque chose pour que l’on puisse jouer avec. Ils pourraient même tout enlever, qui sait ? 

Christos : Ensuite, il faudra de l’imagination, un peu de courage et de l’organisation. Nous trouverons toujours des moyens.

En continuation de tout ce qui a été dit et des difficultés rencontrées par le mouvement collectivement et les sujets individuellement. Que pensez-vous du fort jugement- ou même de l’excommunication – des artistes qui décident de jouer dans des salles ou avec des entrées payantes ? 

Spyros : Personnellement, nous ne sommes pas touchés par cette malveillance. Nous avons peut-être choisi jusqu’à présent de ne jouer que dans des concerts gratuits, mais on y reste coincé et on est pas contre les gens qui veulent faire quelque chose de différent.

Par exemple, nous travaillons et nous faisons de la musique en même temps, parce que nous aimons ça. Il y a des gens qui sont musiciens, c’est ce qu’ils ont étudié et c’est ce qu’ils veulent faire.

On ne peut pas dire à quelqu’un qui a passé toute sa vie à étudier et à s’impliquer dans ce domaine (comme Seirene, Aeon, Stolen Mic) d’aller chercher des boulots merdiques pour ne jouer que dans des concerts DIY.

Nous discutons très souvent du fait que nos vies seraient beaucoup plus amusantes et créatives si nous vivions de notre musique.

Christos : Pouvoir faire de la musique avec consistance et continuité est un énorme privilège.

Lorsqu’ on bosse de longues heures pour peu d’argent – comme la plupart des gens – comment trouve-t-on le temps libre et l’argent pour s’y consacrer sérieusement ?

Spyros : Comment définir un art qui doit être sacré et non contaminé ? Le graphisme est aussi un art, mais il se paie.

Ioulios : Cette hypocrisie est si spécifique qu’elle ne concerne même pas le rap. Personne ne va mettre en accusation un beatmaker qui vend ses beats. On se concentre uniquement sur les paroles.

Le discours dominant est que si vos paroles sont politiques et que vous parlez d’une relation employeur-employé, il est contradictoire de les jouer dans une salle. En termes de commercialisation, Spotify et YouTube (propriété de Google) sont bien pires qu’une salle de concert. Nous parlons de la plus pure expression du capitalisme, mais c’est là que tout le monde veut écouter sa musique. 

 

Christos : Tout cela manque totalement d’analyse de classe. Les personnes qui critiquent le font d’un point de vue subculturel. Le musicien est freelancer en termes de classe. Ces dernières années, le pourcentage écrasant de cette classe s’est terriblement appauvri, et les musiciens en particulier constituent probablement la caste la plus sous-estimée des indépendants.

Ils sont payés au noir, totalement sous-payés, dans la précarité et ne savent pas s’ils auront un emploi le mois prochain. C’est pourquoi beaucoup de gens jouent dans la rue pour gagner un peu d’argent. Là, je ne comprends pas pourquoi le rap entre dans une autre analyse comme si c’était un domaine apolitique.

Sauf si les gens pensent que toute personne qui fait de la musique professionnellement gagne autant d’argent que light et snik (célèbres trappeurs grecs).
Cette analyse est complètement déconnectée de la réalité, c’est comme si on comparait mon ami Aris, qui est architecte et travaille pour 800 euros par mois, à Bobolas (millionnaire grec).

Ioulios : L’autre présupposé, c’est genre : « si vous voulez le faire, faites-le mais ne parlez pas de politique« , ce qui est pire. Cela revient à censurer l’artiste et à vouloir consommer sa musique où, quand et comme on le souhaite.

Christos : Ce qu’ils disent, c’est que la musique du mouvement ne devrait être consommée qu’au sein du mouvement.

Et que les artistes devraient changer leurs paroles en fonction de l’endroit où ils jouent. S’ils font cela, ils recevront toujours de vives critiques pour ne pas avoir été cohérents dans leur discours politique.

Le mouvement devrait exiger que les musiciens pauvres s’unissent, rejoignent leurs syndicats, s’organisent et luttent pour leur secteur de classe comme toute autre profession.

Comme ce fut le cas à l’époque de Covid, lorsque nous avons collectivement, en tant que mouvement, réclamé les salaires des musiciens. Je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer cela comme quelque chose de différent d’un point de vue de classe.

Pour en revenir aux concerts… Lorsque vous voyez tous ces gens chanter vos paroles par cœur, vous réalisez combien de personnes s’identifient à vous. Que ressentez-vous face à tout cela ? La « responsabilité » et l’exposition ?  

Spyros : C’est indéniablement un immense sentiment. C’est magnifique de voir que tant de gens s’identifient à quelque chose qu’ on a créé et qu’ils sont impatients de le chanter avec nous. 

Ioulios : L’exposition est un choix. Nous écrivons aussi des morceaux qui ne sont jamais diffusés publiquement. Cependant, il y a une magie dans l’écriture parce qu’il y a des choses et des émotions que vous ne pouvez pas exprimer avec des mots et le papier vous donne cette liberté, c’est-à-dire de mettre en musique un problème de pensée et d’en faire une forme d’art. 

Christos : D’autre part, les chansons ont également un caractère politique, un caractère d’intervention dans la réalité dans laquelle nous vivons. Lorsque nous les écrivons, nous avons à l’esprit qu’elles sont extériorisées, ce qui signifie que nous parlons à la société.

C’est une double joie de prendre une position politique et de l’exprimer. C’est une double satisfaction.

De cette manière, les jeunes qui n’ont aucun contact avec le monde du DIY sont peut-être influencés de manière positive ? 

Kostas : Quand j’étais plus jeune, j’écoutais des morceaux et beaucoup de mots m’étaient inconnus. J’entendais beaucoup de choses que je ne comprenais pas et je cherchais constamment ce qu’elles signifiaient. Des stimulations à l’infini. Je prenais les morceaux que j’écoutais très au sérieux et ils m’ont vraiment formé. En fin de compte, ce qu’ on diffuse est une affaire sérieuse et c’est ainsi que devrait être traitée de toute personne qui fait de la musique, qu’elle soit écoutée par 10 personnes ou par 10 millions de personnes. 

Spyros : Nous recevons très souvent des messages de jeunes gens qui nous demandent quel est le prix d’entrée, parce qu’ils ne savent pas que tout cela existe gratuitement. C’est un monde qu’ils ne connaissent pas et c’est formidable si nous pouvons les faire entrer dans une certaine culture, les stimuler et leur permettre de se retrouver sur ce terrain fertile.

Kostas : Les gens voient donc – ce qu’ils ne savent peut-être pas lorsqu’ils écoutent des morceaux sur Internet – qu’il existe une musique qui n’est pas soutenue par des entreprises et qui n’a rien à envier à la musique mainstream en termes de qualité.

Lors de vos concerts, on voit généralement des féminités de face et il y a une atmosphère plutôt sécure et inclusive que machiste – ce qui n’était pas habituel aux concerts du passé. Est-ce quelque chose que vous revendiquez ? Ou cela vient-il du mouvement lui-même ?

Christos :  Pour nous, c’est une acquisition du mouvement féministe. Il y a des groupes féministes depuis des années – et dernièrement beaucoup plus – qui revendiquent et qui ont réussi à faire en sorte qu’une grande partie de la société s’adapte à cette chose. Et j’utilise le mot adapter parce qu’il y a aussi des éléments d’opposition qui ne sont pas d’accord, mais ils ont appris dans ces espaces à se comporter de cette manière parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Cette conquête du mouvement féministe s’est accompagnée de la création de collectivités qui sont maintenant plus protectrices, les artistes les soutiennent et les promeuvent, et tout cela est une conséquence du sujet original qui les a amenés sur la table. Et comme nous prenons position sur tout, nous prenons également position sur ce sujet. C’est également évident aujourd’hui. Tout comme un fasciste ne peut pas se présenter, un sexiste ou agresseur ne peut pas se présenter.

Nous évoluons tous et nous reconsidérons, mais lorsqu’un climat plus large pousse dans cette direction, cela se produit inévitablement et devient quelque chose d’éducatif. 

Spyros : L’idéal serait de ne même pas être écouté par des connards. Si nous parvenons à influencer quelqu’un qui est déjà un connard, c’est encore mieux. Mais oui, l’espace a été gagné par les féministes elles-mêmes. Évidemment, l’essor du rap féminin, que nous adorons et que nous espérons voir se multiplier, y est pour beaucoup. Nous en parlons autant que nous en avons le droit. Nous voulons que nos concerts soient safe pour tout le monde. 

Ioulios : Ce n’est pas quelque chose que nous  » revendiquons  » pour les raisons que les autres ont mentionnées. Ce qui en résulte nous rend heureux, tout comme cela nous rend heureux de fournir un environnement sécurisé à tous les individus. D’un autre côté, ce n’est pas quelque chose que nous avons cherché à obtenir. Nous prenons nos positions aussi honnêtement que possible et, surtout, avec respect, car nous ne voulons en aucun cas romantiser ou nous approprier l’expérience des féminités.

J’ai laissé l’essentiel pour la fin… Comment le nom 2020 a-t-il été choisi pour le groupe ? 

Jaul : Au début, il n’y avait pas de nom ou de notion de groupe. En fait, les premières chansons et affiches portaient nos noms séparément. Le nom 2020 a été conçu après « Nyxterides ». Évidemment, cela vient de l’année, mais le processus de choix du nom a été long. Nous trouvions rien et nous nous accrochons toujours à cette idée de ne pas pouvoir choisir de titre… Mais même si, au début, le titre n’est pas quelque chose qui vous inspire ou vous excite, il prend une signification différente avec le temps. 

Hrwas : Je pense que la partie la plus intéressante est de savoir comment nous en sommes arrivés à 2x2x au lieu de 2020. Christos vous expliquera.

Incognito m. : J’étais au Tattoo Circus sans avoir l’intention de me faire tatouer. Mais je me suis assis suffisamment longtemps pour en avoir envie et je me suis dit que j’allais me faire tatouer quelque chose en rapport avec le groupe. Et pendant que je dessinais, j’ai préféré le « x » au « 0 » d’un point de vue esthétique. Et c’est vrai que c’est plus joli graphiquement et sémantiquement.

Jaul : Il m’a appelé et m’a proposé de faire un matching tattoo. Je pensais qu’il plaisantait jusqu’à ce que j’arrive sur place et que je le voie taper 2x2x. J’ai dit :  » Qu’est-ce que c’est que ça ? » J’ai appelé Spyros et je lui ai dit de faire des fontes qui disaient 2x2x.  Il m’a répondu : « Qu’est-ce que c’est que ça?« . J’ai donc tapé tout de suite et nous avons essayé de convaincre les deux autres, qui n’avaient pas encore de tatouage. Finalement, ils l’ont fait aussi. Pour être honnête, j’ai d’abord pensé que Christos avait mis le X, au cas où nous ne serions plus un groupe à un moment donné.

Kostas : Oui, mais ça ne change pas sa signification, ça signifiera toujours ça. 

FARM FESTIVAL

Kostas, parle-nous du Farm Festival auquel tu participes !

C’est un festival DIY avec des groupes de métal, de hardcore, de punk et de crust qui se déroule dans une ferme à Pyrgos. Il a lieu chaque première pleine lune de septembre depuis 5-6 ans maintenant. Avec le groupe dans lequel je joue de la basse à Pyrgos, nous faisions nos répétitions dans une maison que nous appelions une ferme entre nous – d’où le nom.

Nous avons décidé de prendre l’équipement et d’aller jouer dans le champ d’un ami avec des mandariniers. Nous l’avons installé, nous avons mis des souvlakia et des bières et un petit festival a vu le jour.

L’année suivante, nous avons apporté un tracteur, l’année d’après un autre. À un moment donné, nous avons commencé à faire venir d’autres groupes et maintenant, c’est devenu comme une coutume.

Le festival rassemble environ 500 personnes, ce qui, pour cette petite ville et pour un événement sans entrée ni publicité, est considérable. Nous installons des rouleaux pour les tables, des caisses pour les chaises, des lumières décoratives et nous créons un très bel événement dans une atmosphère très familiale et festive.

PINELINE MUSIC LAB

Christos, raconte-nous comment Pineline Music Lab a été créé !

Depuis que je fais de la musique, en dehors des paroles et de la production, j’ai commencé à me familiariser avec l’enregistrement et le montage du son. Au début, je n’avais aucune passion pour le record et le mixage, c’était l’étape ennuyeuse mais nécessaire que je devais endurer pour faire un morceau. À la base, ce contact avec le sujet a été créé par le manque d’argent. Nous n’ avions pas d’ argent pour aller enregistrer dans un studio et inévitablement, avec l’ équipe de l’ époque, nous avons acheté une console, un micro et des écouteurs et nous avons commencé à faire de la musique. Plus tard, lorsque j’étais étudiant à Serres, j’ai commencé à être attiré par la partie technique de la production et j’ai donc acheté des livres sur l’ingénierie du son et la conception acoustique.

J’ai transformé mon salon en studio, j’ai étudié sur le son pendant des heures et je me suis exercé sur mes propres morceaux et ceux de mes amis.

Peu de temps après, j’ai commencé à travailler de manière semi-professionnelle et à me faire un peu d’argent de poche. Puis j’ai réalisé que c’était le travail que je voulais faire et j’ai commencé à le prendre au sérieux. Nous nous sommes réunis avec deux autres amis et nous avons décidé de construire un studio à Athènes. Pendant un bon moment, nous avons travaillé dur pour gagner de l’argent afin d’acheter le premier équipement. J’étais barman et serveur à Corfou et l’autre ami est parti travailler en Angleterre. En 2016, nous avons loué un espace que nous avons utilisé à la fois comme maison et comme studio, c’est là que Pineline a été créé. Pendant environ 3 ans, j’ai travaillé comme livreur le matin et au studio le soir, avec l’argent du travail je payais le loyer, les frais etc. et l’argent du studio servait à acheter du nouveau matériel.

À un moment donné, deux très bons amis ont acheté un bar dans le centre d’Athènes, dont le premier étage était vide et insonorisé, et nous avons donc décidé d’y installer le studio.

Nous l’avons repris dès le début, nous l’avons peint, rénové, nous avons réparé l’acoustique de l’espace, nous l’avons transformé en studio et nous avons commencé à travailler dessus. C’est à ce moment-là que j’ai quitté mon emploi de livreur et que j’ai commencé à travailler sur ce que je voulais faire. Les deux autres amis, Con et Dochi, avec qui nous avons commencé, ont abandonné la partie enregistrement et se sont concentrés sur la musique, puisqu’ils étaient tous deux diplômés en musicologie et que c’était leur travail.

Dans cet espace, beaucoup de musique a été créée, beaucoup d’albums ont été sortis à la fois par nos propres potes et par des artistes plus mainstream, ainsi que par d’autres genres de musique (du jazz et du punk rock à la musique traditionnelle et à la tarentelle du sud de l’Italie). Dans ce lieu, il y avait également de nombreuses configurations (politiques et artistiques), des fêtes, des rassemblements et, en général, beaucoup de gens allaient et venaient, car il y avait un bar au-dessus et au-dessous du studio et, après les sessions, nous nous retrouvions tous ensemble. C’est là qu’est né le 2x2X.

Au début de l’année 2021, en raison de la situation du Covid, l’ami qui louait l’endroit n’avait plus l’ argent de l’entretenir et a dû le quitter. Tout a donc dû être refait pour la troisième fois à partir de zéro, la recherche d’espace, la planification, les réparations, etc.

l y a eu beaucoup de recherches et de lectures, en particulier pour l’étude acoustique de l’espace. J’ai beaucoup insisté sur ce point car il est crucial pour un enregistrement et un mixage de haute qualité et, malheureusement, en Grèce, il est négligé ou parfois complètement oublié.
Après avoir trouvé l’espace et fait le design et l’étude, nous nous sommes lancés dans la construction, l’électricité, les portes, les sols, l’insonorisation pendant 6 mois. Nous avons presque tout fait nous-mêmes, très peu de bricoleurs en dehors du groupe sont entrés dans l’espace. Nous avons donc construit cet endroit et Pineline y est installée de manière permanente. Enfin, je tiens à dire que sans mes amis, rien ne serait arrivé. Je leur suis vraiment reconnaissant pour tout et je suis très fier de les avoir comme amis.