LILA EHJÄ – YÖ (2021)

LILA EHJÄ – YÖ (2021)

Cold Wave / Post-Punk (Autoprod)

Noir Boy Georges, Oi Boys, Maria Violenza, si ces noms vous sont familiers, c’est que la déviance et la noble flétrissure font partie de vos critères esthétiques de choix. Ces artistes prouvent qu’il existe un courant alternatif. Une façon de faire qui se raccordera toujours plus à l’esprit punk et à l’urgence crade qui se dégage de leur ambiance musicale. Lila Ehjä semble suivre cette école et avance seule en one-girl-band pour nous proposer au travers de son premier EP « Yö », un paysage sonore assez uniforme et narcotique. | Par Nino Futur

Alors que le phénomène de revival post punk semble ne plus être tant prisé que ça par les médias d’obédience branchouille. Que l’utilisation de boites à rythme classiques regagne peu à peu son statut de ringardise, et qu’Idles tiennent désormais plus à des mannequins de marques passagèrement hype qu’aux fervents ressusciteurs de la rage punk.

On accordera un petit coup de mou à cette scène post-punk qui semblent de plus en plus se reposer sur leurs lauriers. Toute la scène ? Non !

Une poignée d’irréductibles spleeneurs avançant hors projecteurs continuent à maintenir le seum et la morosité sonore sur de bons sentiers. Et une fois de plus, c’est en D.I.Y que ces artistes y parviennent en s’adonnant aux plus sordides et mielleuses afflictions musicales.

Proche de la musique de Jessica 93 (se faisant de plus en plus discret au passage) la jeune parisienne ouvre les hostilités sur le brumeux « Troubles », qui des ses premières mesures vous replongerons dans les nappes âcres et embrumées du premier album « Who Cares » (2013) du sus-nommé Jess93. Les ambiances et les plages sont tout aussi froides que réconfortantes et tout semble flotter avec grâce autour de nous dans un vortex timide.

La basse est froide et d’obédience goth (« Hit the city », « Kolyma »), la boite à rythme minimale et hypnotiqueTouch the Leather ») les guitares viennent servir d’ornements plus ou moins discret afin d’accrocher l’oreille et s’entremêlent dans les machines aux sonorités peu chaleureuses.

Autant d’adjectifs pour résumer l’étendue sonore de ce « Yö », qui s’avère aussi agréable que poisseux.

Les ambiances musicales sur chacune des 7 plages de ce « Yö » sont toutes autant sombres qu’aériennes, incrustées dans une sorte de velours insaisissable qui nous mettrait dans un état proche de la transe.

Le chant quant à lui, est très doux et se fond dans l’ensemble. Comme convenu, une forte reverb’ vient noyer l’ensemble pour un résultat plus sensuel que d’outre tombe. On pensera d’avantage à Mazzy Star (influence assumée) ou Boy Harsher qu’à du post-punk plus traditionnel.

La voix sensuelle et plaintive, mais pourtant hors du cliché pop joue beaucoup dans la balance, rendant les sons agréables et planants (« Troubles » et « Touch the Leather » vous montreront parfaitement la force de cette fange de velours).

Un projet totalement indé et déjà pas mal encensé par la presse spécialisée, qui mérite de grandir et qui (espérons-le) ajoutera de nouvelles cordes à son arc pour les années à venir.

En attendant d’avoir l’occasion de la voir en live, on s’écoutera encore un petit « Yö » pour apprécier le froid hivernal. Froid oui, mais tout aussi réchauffant, « Yö » passe par les pores de vos émotions pour le meilleur comme pour le pire.

« Si y’a heja, sors le Ehjä » – aurait dit Soso Maness.