PUNXO

Quand on pense à Punxo, on pense automatiquement à la scène artistique DIY de Bologne en Italie ! En 2019, nous découvrions l’enceinte du mythique lieu autogéré XM24 (expulsé depuis), lors du festival do it yourself « OLÉ – oltre l’editoria ». C’est Marta « Punxo » qui avait réalisé la superbe affiche de l’événement. Nous nous étions fait une promesse : quand nous ferions notre propre fanzine DIY, nous lui déroulerions le tapis rouge ! Merci à elle pour la cover originale de ce numéro 5. Bonne lecture à tous, et bon cassage de rétine… | Propos recueillis par Polka B. / Trad : Polka B. 

Qui est « Punxo »? Comment définirais-tu ton univers visuel?

Punxo est née sur les bureaux du lycée par ennui et frustration ! Le nom a germé dans mon esprit à cette époque. J’ai mélangé le mot punk (punx) avec mon ancien surnom : « punto » (point en italien).

Mon univers visuel, je le vois comme une foule de caricatures qui essayent de s’extirper d’un environnement urbain que j’apprécie particulièrement photographier et insérer dans mes dessins.

Il y a beaucoup de souffrance, mais en même temps ce sont toujours des personnages colorés prêts à déferler dans les rues, sur les flics, avec un peu de paranoïa et assez peu d’estime de soi.

Quels sont les artistes qui t’ont influencé ? Quelles sont tes sources d’inspiration ?

J’ai grandi en lisant beaucoup de bandes dessinées, en particulier des auteurs de mangas japonais. Ce serait stupide de nier que c’est la première et la plus importante de toutes mes influences !

Je suis aussi une grande fan d’animation.

Au fil des années, grâce à mon approche de la scène underground, j’ai connu le choc caractéristique du punk, qui rapproche directement la musique à certains éléments graphiques.

Cette prise de conscience pour moi, c’était énorme ! J’ai aussi côtoyé tout un réseau de personnes comptant de nombreux dessinateurs et imprimeurs underground. Ils ont beaucoup compté pour moi. Je les ai rencontrés en assistant à des festivals aussi bien en Italie qu’à l’étranger. 

Pour citer quelques artistes je dirais Go Nagai (avec Devilman) et Yoshiharu Tsuge, Martin Lopez Lam, Robert Crumb, Anna Haifisch, Michael DeForge, Officina Infernale; ainsi que Martin H (le graphiste de Discharge, lui-même influencé par l’artiste allemand John Heartfield), aux collages et flyers de Crass, David King et Gee Vaucher… Ils sont si nombreux et si différents !

Ces inspirations sont aussi chaotiques et hétérogènes que la diversité des techniques et des styles que j’utilise. J’essaie toujours d’inclure dans mes productions des expériences que je veux partager. Ça donne des assemblages qui me stimulent. Ça peut vraiment être toutes sortes de choses : une blague faite par un ami, une bière renversée sur moi lors d’un concert, une caricature d’un politicien local qui affiche son libéralisme au quotidien…

C’est vrai que tu utilises beaucoup de techniques différentes. Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?

J’adore utiliser plein de techniques et les mélanger. Douter de soi, c’est l’un des moyens les plus amusants et les plus stimulants pour créer quelque chose d’ « artistique ». Même si je suis ouvert à l’expérimentation de diverses techniques, j’ai découvert l’an passé que j’allais plutôt trouver ma place en croisant mon style de dessin à de la retouche photo. C’est intéressant de produire des images hyper réalistes et très caricaturales à la fois.

Je pense que c’est le bon compromis entre toutes mes influences issues de la bande dessinée et l’esthétique collage/flyer de la scène punk hardcore.

Pour quelqu’un qui ne la connaît pas, comment présenterais-tu la ville de Bologne et sa vie culturelle ?

Bologne pour moi, c’est un melting-pot incroyable.

C’est vraiment une étape essentielle dans ma croissance personnelle en tant qu’artiste et en tant que personne avec une pensée critique et politique. Cette ville a été (et est toujours) le centre palpitant d’une poussée souterraine créative, unique. Je suppose que nous pouvons dire que sa vie alternative est sa vraie vie. Elle est partout et entoure toute la ville. C’est vraiment un super réseau dans lequel on se rencontre, on se quitte et on se retrouve grâce à des concerts, des distros ou des simples rencontres dans la rue. C’est vraiment difficile d’expliquer une chose aussi massive et explosive à la fois.

Peux-tu nous parler du XM24 ? Que représentait cet endroit pour toi ?

Je suppose que je ne peux utiliser qu’un simple mot: la maison ! C’est un beau gâchis car le XM24 était un point de rencontre d’individus différents qui ont pu ensemble créer quelque chose de spécial et d’irremplaçable.

C’était une maison d’accueil de personnes, d’activités et d’événements.

Le Olé-Oltre l’editoria (festival d’autoproductions/DIY), la salle de sport populaire, le garage à vélo, l’atelier de sérigraphie…

En dépit d’avoir vécu au XM pendant une période relativement courte, je n’ai jamais autant appris qu’à cette époque. En y réfléchissant, je me souviens d’avoir fabriqué mes premières productions là-bas avec deux autres amis dans l’atelier de sérigraphie au sous-sol, en

chantant des chansons de l’album de Skruigners : Duemilatre. Le XM restera toujours dans mon coeur.

Après la destruction du lieu, comment vois-tu l’avenir de la scène ?

Je crois que la vie de la scène ne dépend pas de la présence d’un espace, mais j’espère avoir une nouvelle maison bientôt !

Le plus tôt possible en tout cas. Mais bon, en période de Covid, il m’est difficile de voir beaucoup plus loin que demain ou après-demain.

Vois-tu le processus de gentrification comme quelque chose d’inévitable dans les grandes villes? Quelles sont les armes de la scène DIY pour continuer d’exister selon toi ?

Je dois dire que oui, malheureusement. Nous avons vu la gentrification se propager dans presque toutes les grandes villes, des centres-villes aux banlieues. Bologne est victime de ce processus, on le sait bien depuis l’expulsion du XM24 et de bien d’autres espaces ces dernières années (Atlantide, Ex-Telecom…).

Nous le voyons tous les jours lorsqu’un quartier populaire comme Bolognina commence à accueillir des squelettes de spéculation privée, avec des lieux dénués de sociabilité horizontale et de partage. Je pense que le DIY est le seul moyen de lutter contre ces processus, en continuant à pratiquer des relations et des échanges en dehors de la logique du marché capitaliste. En revendiquant des espaces dans les rues et les lieux où nous vivons.

Quels sont tes plans pour le futur ?

Je travaille actuellement sur ma première longue bande dessinée. Elle sera bientôt auto-publiée et présentée dans des festivals en Italie cet été ! La bande dessinée est influencée par les films de série B. C’est d’ailleurs une parodie «sérieuse» de l’un d’entre eux: un groupe d’amis fait un road trip sans avoir aucune idée de ce à quoi ils vont faire face. L’histoire parle de nos peurs personnelles, matérialisées de manières différentes et personnelles.

Je collabore sur un autre projet avec l’une de mes plus chères amies : Cati Cardia. Regardez-la, elle est formidable.

Pour finir, peux-tu nous donner une playlist de 5 chansons ?

– « Quelle Mura » – Attrito
– « Colpirne Uno Colpirne Cento » – Contraste
– « Another Day, Another Death» – The Mob
– « Fast music doesn’t mean violent dancing » – Disaffect
– « Godless » – Nausea